Dans les cancers à évolution fatale rapide, de l’ordre de 1 an, le critère principal d’évaluation de l’efficacité des médicaments devrait être la mortalité globale ou durée de survie globale. Ce n’est pas l’avis de l’industrie pharmaceutique ni des experts cancérologues puisque la survie globale est qualifiée de « critère d’évaluation secondaire », et elle n’est pas mise en avant dans les essais cliniques et les RCP des anticancéreux.
J’ai voulu savoir ce qui était dit à propos de la survie globale dans le RCP de 4 médicaments anticancéreux, sunitinib, sorafenib, lapatinib, erlotinib. Bien sûr, le RCP de ces médicaments n’est pas dans le Répertoire officiel des médicaments de l’ANSM mais on le trouve dans le Dictionnaire Vidal 2012 qui, de plus, indique leur prix.
Voici ce que l’on trouve à propos de ces 4 médicaments.
Sutent*, sunitinib
- Tumeur stromale gastro-intestinle, « La médiane n’est pas atteinte car les données ne sont pas encore matures. La survie globale médiane (overall survival) était de 72.7 semaines et 64,9 semaines dans les bras Sutent et placebo respectivement », je traduis 18 mois et 16 mois.
- Cancer du rein métastatique : « les valeurs médianes de la survie globale n’avaient pas encore été atteintes ».
- Tumeurs neuroendocrines du pancréas : « Les données de survie globale n’étaient pas matures au moment de l’analyse ».
- Prix : 5 675 euros les 28 gélules à 50 mg
- Remboursé par la Sécurité Sociale à 100 %, sauf exceptions
Nexavar*, sorafenib
- Carcinome hépatocellulaire : « La survie globale médiane était de 46,3 semaines pour Nexavar et de 34.4 pour le placebo », je traduis 11 mois contre 8 mois.
- Carcinome rénal : « La médiane de survie était de 19.3 mois dans le groupe Nexavar et de 15.9 mois dans le groupe placebo »
- Prix : 3 743 euros les 112 comprimés
- Remboursé par la Sécurité Sociale à 100 %.
Tyverb*, lapatinib
- Cancer du sein : « Au moment de l’analyse, les données de survie globale n’étaient pas matures et la différence entre les 2 groupes n’était pas significative. Cependant, rien ne préjugeait d’un effet négatif sur la survie globale »
- Prix : 2 537 euros les 140 comprimés
- Remboursé par la Sécurité Sociale à 100 %.
Tarceva*, erlotinib
- Cancer bronchique non à petites cellules ; « Les données de survie globale étai(en)t encore immatures au moment de cette analyse ». « Concernant la survie globale, critère d’évaluation secondaire ! (le point d’exclamation est de moi)… la médiane de survie globale était de 12 mois dans le groupe Tarceva versus 11 mois dans le groupe placebo… médiane à 11.9 mois dans le groupe Tarceva et à 9.6 mois dans le groupe placebo… »
- Cancer du pancréas : « Médiane de survie globale Tarceva 6.4 mois, placebo 6.0 mois » ceci est un exemple extrait d’un tableau.
- Prix 2 331 euros les 30 comprimés à 150 mg
- Remboursé par la Sécurité Sociale à 100 %, sauf exceptions
Je laisse à chacun le soin de se faire un jugement à partir de ces données sachant que le gain de survie obtenu par ces médicaments est minime, qu’ils ont une kyrielle d’effets indésirables graves, et qu’ils sont coûteux. En gros, avec le médicament il n’est pas sûr que le malade vive beaucoup plus longtemps mais il est sûr qu’il éprouvera des effets indésirables graves.
Enfin, comme je l’ai déjà dit, il me parait déplorable que l’industrie pharmaceutique, les cancérologues, les experts perdent leur temps à soutenir et à lancer des molécules qui, lors des études préliminaires, ont démontré leur faible efficacité. Participer à un essai clinique de médicaments de ce type, ce n’est pas faire de la recherche, c’est se leurrer. Alors, si le pouvoir politique à l’échelle internationale, européenne et française, mettait un peu de rigueur dans l’octroi des AMM, cela clarifierait les choses (le cérémonial d’étude des dossiers de demande d’AMM est parfait).
Que le médecin praticien propose ce type de médicaments, et surtout que le malade, sa famille ou son entourage l’accepte, je le comprends, on ne veut pas laisser passer ce que l’on croit être la dernière chance mais qui en réalité ne l’est pas. C’est un leurre approuvé par le pouvoir politique.
J’ajoute que ces nouveaux anticancéreux ne remplacent pas les anciens parce qu’ils leur sont supérieurs, ils ne sont utilisés que lorsque la maladie ne répond plus aux anciens et le résultat est plutôt décevant.
Là aussi je souscris totalement (Dr Pierre ALLAIN, avez-vous une adresse Email, que je puisse vous contacter directement ?). Les services du ministre (le Conseil de l’hospitalisation pour être plus précis, dont le secrétariat est assuré par le DGOS) avaient pourtant défini en octobre 2010 de nouveaux principes pour inscrire, ne pas inscrire ou radier les médicaments onéreux (dont les anticancéreux) sur la liste remboursée en sus ; L’analyse des progrès thérapeutiques (ASMR) des 10 anticancéreux les plus coûteux de cette liste est sans appel. Mon étude publiée en 2011 avait été intégralement reprise dans le rapport IGAS de Gilles DUHAMEL et Aquillino MORELLE : Anticancéreux : Madame la Ministre, vous ne pourrez plus ignorer la recommandation 2010-25 du Conseil de l’Hospitalisation ; Gérer « indication par indication » les médicaments de la liste en sus ; La liste des médicaments onéreux : propositions pour la réformer… ; Les progrès sont minimes, les coûts explosent… ; Supprimer la liste des médicaments onéreux… Si effectivement la nouvelle ministre n’a pas inscrite à tour de bras les nouvelles fausses innovations, elle n’a toujours pas radié l’AVASTIN® et autres vaches à lait du chiffre d’affaire sous perfusion d’argent public (nos cotisations) qui bénéficie surtout à la santé des firmes et pas aux patients…