La réglementation en matière de médicaments résulte de négociations entre l’industrie pharmaceutique et pouvoir politique à l’échelle nationale et internationale et tourne à l’avantage de l’industrie pharmaceutique. Lorsque cette règlementation et son application entraînent difficultés et incohérences, c’est nécessairement la faute des exécutants, en particulier des médecins, jamais celle des responsables politiques. Ceci s’applique aux génériques et aux autorisations de mise sur le marché, AMM, des spécialités pharmaceutiques.
En ce qui concerne les génériques, c’est la manière dont ils ont été introduits dans le commerce qui est à l’origine des ennuis et d’une véritable gabegie au profit de l’industrie pharmaceutique. Je me suis exprimé à maintes reprises à ce sujet et je renvoie notamment à ce texte. Il faut revoir les conditions d’introduction des génériques sur le marché, c’est du ressort de la Ministre de la Santé.
En ce qui concerne les médicaments en général, il y en a trop, beaucoup d’inutiles et peut-être quelques uns de dangereux, mais tous ont eu l’AMM ! Et l’AMM a été accordée légalement par le Ministère de la Santé ! Si l’on regarde le nombre d’AMM accordées et le nombre d’ASMR favorables, on voit une discordance flagrante entre les deux.
L’incessante mise sur le marché de nouvelles spécialités pharmaceutiques, qu’elles soient à base de principes actifs anciens ou nouveaux, et qui, sauf rare exception, n’apportent rien par rapport aux médicaments existants, voir les ASMR, crée une situation ingérable. Si l’on ajoute à ces nouvelles mises sur le marché, toutes les modifications rendues nécessaires pour corriger une commercialisation précipitée, restriction d’indications, addition de précautions d’emploi, de contre-indications, de mises en garde, le tout allant jusqu’au retrait du commerce, voir par exemple les glitazones, on comprend la désorientation des médecins noyés dans un flot d’informations souvent contradictoires. Certes, me direz-vous, toutes ces informations peuvent être mises sur ordinateur, oui, mais il serait bon aussi de mettre quelque chose de clair et de cohérent dans les têtes.
La seule solution que je voie à cette situation véritablement ingérable est la réduction drastique du nombre d’AMM. La mise sur le marché d’un nouveau médicament devrait être un évènement notable, justifié par un progrès substantiel dans l’efficacité, la tolérance, la facilité d’emploi, ou même le prix, que sais-je encore, mais un avantage pour le patient. La relative rareté de l’évènement obligerait à une plus grande transparence vis-à-vis de l’opinion. S’il est difficile de revenir en arrière pour les spécialités déjà commercialisées, au moins qu’on commence à limiter les dégâts ? La règle de non-infériorité ne suffit plus. Le durcissement de l’obtention des AMM ne nuirait pas à moyen terme à l’industrie pharmaceutique, elle favoriserait l’innovation en évitant une concurrence stérile et coûteuse pour lancer des produits sans intérêt réel. Du côté du Ministère de la Santé, une réduction du nombre des AMM devrait conduire à une simplification et à une réduction des dépenses (ceci c’est de l’humour).
Alors peut-on s’attendre à voir le pouvoir politique s’atteler à durcir les conditions d’attribution des AMM et donc à réduire leur nombre ? La réponse est non. Le pouvoir politique laissera courir et tout au plus s’abritera derrière la réglementation en vigueur, les habitudes, les pratiques à l’étranger ou au niveau de l’Europe et évoquera les menaces de rétorsions de la part de l’industrie pharmaceutique. Les choses continueront, la Commission d’AMM pourra faire état de sa productivité, la Commission de la Transparence de sa rigueur et le Ministère de la Santé inventera quelques nouvelles commissions avec des experts compétents (ce n’est pas parce qu’on est compétent qu’on est expert, c’est parce qu’on est expert qu’on est compétent). Certains publieront des livres à succès, d’autres un Formulaire National de Thérapeutique (national, un vrai, un officiel, fait par des experts!) et d’autres continueront à ronchonner dans leur coin, comme je le fais… On aimerait entendre les positions des vrais responsables de ces situations inextricables, les ministres de la santé d’hier et d’aujourd’hui.