Il est possible d’augmenter la synthèse endogène de NO par l’administration d’un précurseur ou de donner un médicament comportant un ou plusieurs groupes NO qui, dans l’organisme, se détachent de la molécule porteuse. On peut également renforcer les effets du NO en inhibant l’inactivation du GMP cyclique formé sous l’action du NO.
Augmentation de la biosynthèse
L’arginine est le précurseur physiologique du NO. L’alimentation apporte environ 5 g d’arginine par jour.
Elle pourrait être utilisée comme vasodilatateur et antihypertenseur et comme potentialisateur des moyens de défense contre les infections. Elle inhiberait le développement des lésions athéromateuses et aurait un effet antiagrégant plaquettaire.
Elle a été proposée pour stimuler la sécrétion de l’hormone de croissance par l’hypophyse et améliorer la croissance staturopondérale de l’enfant. Cet effet ne semble pas lié à la stimulation de la synthèse de NO.
L’arginine est aussi proposée dans le traitement des hyper-ammoniémies.
Les précédents effets ne sont obtenus qu’avec des doses élevées, allant de 6 à 20 g par jour.
Il existe plusieurs spécialités pharmaceutiques contenant de l’arginine, soit seule soit le plus souvent associée à d’autres produits, destinés à l’alimentation parentérale (exemple Kabiven*) ou proposés comme antiasthéniques (exemple Sargénor*).
Apport exogène de NO par des précurseurs
Plusieurs médicaments comportant un ou plusieurs groupes NO dans leur molécule sont susceptibles de les libérer dans l’organisme. Ce sont le nitroprussiate de sodium, la molsidomine et la linsidomine ainsi que les dérivés nitrés.
Nitroprussiate de sodium
Le nitroprussiate de sodium, Na2 [Fe (CN)5 NO]2– se décompose dans l’organisme au niveau des érythrocytes et des tissus en cyanure, CN–, qui est ensuite transformé en thiocyanate, SCN–, et en monoxyde d’azote, NO. La solution de nitroprussiate qui s’administre par perfusion intraveineuse est instable et doit être maintenue à l’abri de la lumière.
Le nitroprussiate de sodium entraîne une hypotension immédiate et de courte durée, la tension artérielle remontant dès l’arrêt de la perfusion. En raison des précédentes caractéristiques, il est utilisé :
- dans le traitement des poussées hypertensives aiguës,
- pour obtenir une hypotension artérielle contrôlée, au cours de certaines interventions chirurgicales,
- en cardiologie, pour traiter des insuffisances cardiaques aiguës avec résistances périphériques élevées, ne répondant pas aux autres traitements.
Les effets indésirables du nitroprussiate sont liés à son effet vasodilatateur et hypotenseur puissant et à la production d’ions cyanure.
Le cyanure, CN– libéré, notamment au cours des surdosages et chez les individus ayant un déficit de l’enzyme assurant sa transformation en thiocyanate, peut être à l’origine d’une intoxication que l’on traite par l’administration d’hydroxocobalamine qui inactive l’ion cyanure en le transformant en cyanocobalamine. Cette réaction repose sur l’avidité des ions CN– pour les métaux tels que le cobalt. Il faut administrer des doses élevées, de 30 à 100 mg, d’hydroxocobalamine par voie intraveineuse.
Molsidomine et linsidomine
La molsidomine est métabolisée au niveau hépatique en linsidomine qui, instable en milieu biologique, libère le radical NO. Elle s’administre par voie buccale et est utilisée dans le traitement préventif de l’angine de poitrine.
La linsidomine s’administre par voie intracoronaire et exerce un effet essentiellement local. Elle est indiquée dans le traitement du spasme artériel coronaire et comme coronarodilatateur lors de certaines explorations cardiovasculaires.
Il faut remarquer que la libération de NO à partir de la linsidomine ne nécessite la présence d’aucune enzyme ou de substance à groupe SH.
Ses principaux effets indésirables sont une baisse excessive de la tension artérielle et des céphalées, surtout en début de traitement per os.
Dérivés nitrés
Sous le terme de dérivés nitrés, on classe la trinitrine ou nitroglycérine, le tétranitrate d’érythrityle, le tétranitrate de penta-érythrityle ou dinitrate d’isosorbide qui sont des donneurs de NO. Un dérivé nitré, le nitrite d’amyle, a été introduit en thérapeutique en 1870.
La transformation des dérivés nitrés en NO est complexe. Elle nécessite la présence dans le milieu extracellulaire et intracellulaire de molécules à groupes SH, telles que la cystéine et le glutathion.
R(ONO2)n + R’SH –® R(ONO2)n-1+ R’SNO + OH
Cette biotransformation est indispensable à l’efficacité des dérivés nitrés. En cas d’épuisement des tissus en molécules à groupes SH, ils perdent leur efficacité. Celle-ci peut être restaurée par l’administration de N-acétylcystéine. L’épuisement en groupes SH survient lorsque l’organisme est en permanence, 24 h sur 24, imprégné d’une concentration élevée de dérivés nitrés.
Effets
La propriété essentielle des dérivés nitrés est de relâcher les fibres musculaires lisses, notamment vasculaires, mais également intestinales et bronchiques. Cette relaxation est la conséquence de la production de NO.
Sur le plan cardiovasculaire, les dérivés nitrés entraînent une vasodilatation artérielle avec diminution des résistances périphériques, et surtout une vasodilatation veineuse avec diminution de la pression dans l’oreillette droite. Ils donnent également une vasodilatation coronaire et peuvent s’opposer aux spasmes coronaires.
La vasodilatation des vaisseaux cérébraux explique les céphalées de type pulsatile. La dilatation des vaisseaux de la face, du cou et du thorax explique la rougeur appelée crise nitroïde.
L’importance des effets des dérivés nitrés dépend des modalités d’administration et de la position du malade.
- En administration discontinue par voie perlinguale ou en spray, la trinitrine est d’une efficacité indiscutable dans le traitement de la crise d’angine de poitrine. Son effet apparaît en une à trois minutes et dure dix à vingt minutes. La cessation immédiate de la douleur après prise de trinitrine est un argument en faveur du diagnostic d’angine de poitrine.
- En administration continue par voie buccale ou transdermique, les dérivés nitrés à effet prolongé, utilisés dans la prévention des crises d’angine de poitrine et dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, ont une efficacité moins évidente.
- L’efficacité des dérivés nitrés est plus grande chez un malade debout que chez un malade couché. En position debout, l’effet vasodilatateur est plus marqué et une diminution de la pression artérielle peut être observée.
Tolérance et dépendance
La diminution de l’efficacité des dérivés nitrés lorsqu’ils sont utilisés d’une manière continue est reconnue depuis longtemps mais il existe des différences individuelles importantes : chez certains malades la tolérance ne semble pas apparaître, alors que chez d’autres, elle se développe rapidement.
On explique le développement de cette tolérance par l’épuisement des réserves tissulaires en molécules à groupe SH. Une chute de la concentration des dérivés nitrés au moins une fois par 24 heures serait nécessaire pour restaurer ces réserves mais ceci est en contradiction avec la recherche d’une concentration stable 24 h sur 24. De plus lors de la chute de concentration du dérivé nitré il pourrait y avoir majoration du risque de manifestations angineuses chez certains malades.
Des explications, autres que l’implication des groupes SH, sont proposées pour expliquer cette tolérance. Il est probable que plusieurs mécanismes y concourent à des degrés divers selon les malades.
La dépendance aux dérivés nitrés a été mise en évidence chez les ouvriers travaillant dans des fabriques de munitions (la nitroglycérine et d’autre dérivés nitrés comme le trinitrotoluène, TNT, sont des explosifs) : après un arrêt de travail de deux à trois jours (privation), des crises d’angine de poitrine ont été observées chez certains. L’existence de cette dépendance chez les ouvriers suggère la possibilité d’une dépendance similaire chez les malades traités; on conseille donc un arrêt progressif et sous surveillance des dérivés nitrés.
Indications
- Les dérivés nitrés sont très efficaces dans le traitement curatif de la crise d’angor, à condition d’utiliser les formes à effet immédiat, c’est-à-dire à absorption perlinguale.
- Ils sont utiles dans le traitement préventif des crises d’angor, ce sont les formes à effet prolongé qui conviennent
- Ils peuvent être utiles, en association avec d’autres médicaments, dans le traitement de l’œdème aigu du poumon où on utilise des formes à effet rapide, et dans le traitement de l’insuffisance cardiaque où on utilise les formes à effet prolongé.
Présentations pharmaceutiques
Les molécules libérant le NO utilisées en thérapeutique sont la nitroglycérine ou trinitrine, l’isosorbide mononitrate, l’isosorbide dinitrate et le pentaérythritol tétranitrate. On peut les classer en fonction de leur durée d’action à laquelle correspondent des indications particulières.
- Effet immédiat et de courte durée (voie sublinguale), traitement de la crise angineuse et éventuellement prévention d’une crise, juste avant un effort connu du malade comme pouvant la déclencher.
- Effet prolongé (voie orale ou percutanée)
CORDIPATCH* Transdermique
NITRIDERM TTS* Transdermique
DISCOTRINE* Transdermique
Les formes injectables, en fonction de leur modalité d’administration, peuvent avoir un effet immédiat, en injection directe (par exemple en cas d’œdème aigu du poumon) ou un effet prolongé, en perfusion.
Parmi les dérivés nitrés, le nicorandil occupe une place à part. C’est un dérivé de l’amide nicotinique ou vitamine PP qui, outre son effet de libération de NO, est un «ouvreur» des canaux potassiques (Voir « Activateurs des canaux potassiques ».).
Effets indésirables
Les effets indésirables des dérivés nitrés le plus souvent observés sont des céphalées dose/dépendantes, des bouffées vasomotrices, une vasodilatation cutanée avec rougeur, parfois l’aggravation de migraines et une hypotension orthostatique. Une perte de leur efficacité peut s’observer en cas de maintien d’une concentration tissulaire élevée.
Potentialisateurs de l’effet du NO, IPDE5 et dysfonction érectile – Viagra, Cialis, Levitra
Un effet NO-mimétique peut être obtenu par stimulation directe de la guanylate cyclase comme le fait le NO lui-même, mais aussi par inhibition des phosphodiestérases qui inactivent le GMP cyclique formé. L’inhibition de cette inactivation entraîne une élévation de la concentration de GMPc et de ses effets.
Les inhibiteurs spécifiques des phosphodiestérases de type 5, IPDE5, enzymes présentes essentiellement au niveau des corps caverneux , sont le sildénafil, le vardénafil et le tadalafil . La spécificité d’action du tadalafil sur les PDE5 par rapport aux autres PDE, notamment la PDE6, est plus grande que celle des 2 autres inhibiteurs. L’inhibition des PDE5 est réversible et disparaît lorsque la concentration du médicament ou de son métabolite actif s’abaisse au dessous du seuil d’activité. Les IPDE5 sont utilisés dans le traitement de l’impuissance, appelée maintenant dysfonction érectile.
Le mécanisme d’action des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 est résumé dans le schéma qui suit. Le monoxyde d’azote libéré par stimulation sexuelle entraîne la formation de GMP cyclique qui favorise l’érection. Mais les effets du GMP cyclique sont limités par son hydrolyse sous l’influence des phosphodiestérases de type 5 des corps caverneux. L’inhibition de ces phosphodiestérases au niveau de la verge inhibe l’inactivation du GMP cyclique dont la concentration augmente ainsi que son effet vasodilatateur à l’origine de l’érection. La durée de l’effet du médicament dépend de la durée de cette inhibition.
Mécanisme d’action des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5
La principale différence entre les trois IPDE5 réside dans la persistance de leur effet facilitateur de l’érection après une prise unique: celle du tadalafil étant la plus prolongée, de plus de 24 heures, en relation sans doute avec sa demi-vie plasmatique prolongée, 17 heures.
Ces 3 médicaments sont métabolisés par les cytochromes CYP3A4 et un certain nombre d’interactions de type pharmacocinétique avec d’autres médicaments sont possibles, voir leur RCP respectif.
La prise concommittante d’un NO mimétique donneur de NO comme les dérivés nitrés qui augmentent la formation de GMP cyclique et d’un médicament inhibiteur des phosphodiestérases qui inhibe l’inactivation du GMP cyclique, est contre-indiquée. Il s’agit là d’une interaction pharmacodynamique.
Les effets indésirables fréquents mais sans conséquence grave des IPDE5 sont des dyspepsies, des céphalées, des bouffées vasomotrices, des vertiges. Lorsque des accidents cardiovasculaires graves surviennent chez des personnes ayant pris un IPDE5 il est difficile de dissocier la responsabilité directe du médicament de celle des autres facteurs de risque.
Le sildénafil, et à un moindre degré le vardéfanil, peuvent donner des troubles visuels transitoires avec altération de la perception des couleurs, photophobie, vision trouble en raison sans doute de leur effet inhibiteur des phosphodiestérases 6, enzymes présentes au niveau de la rétine.
Sildénafil |
VIAGRA* Cp pelliculés 25, 50 et 100 mg |
Vardénafil | LEVITRA* Cp pelliculés 5, 10 et 20 mg |
Tadalafil | CIALIS* Cp pelliculés 2,5, 5, 10 et 20 mg |
Remarque : les phosphodiestérases
Les phosphodiestérases, PDE, sont des enzymes qui hydrolysent et inactivent l’AMP cyclique, AMPc, et la GMP cyclique, GMPc. Les PDE sont classées en 11 familles appelées PDE1, PDE2.. PDE11. Les PDE1, PDE2, PDE3, PDE4, PDE7 et PDE8 ont comme principal substrat l’AMPc alors que la PDE5, présente dans le corps caverneux, les muscles lisses, agit préférentiellement sur le GMPc. La PDE6, présente dans la rétine, agit préférentiellement sur le GMPc. Les PDE10 et les PDE11 agissent sur les deux : l’AMP cyclique et le GMP cyclique.
Remarque : dihydralazine
La dihydralazine, dont les effets ressemblent à ceux de l’hydralazine, relâche le tonus des artérioles, mais on ignore son mécanisme d’action. Certaines études laissent supposer qu’elle activerait directement la guanylate cyclase soluble et augmenterait la production du GMPc.
La dihydralazine a été utilisée comme hypotenseur pendant de nombreuses années. Elle entraînait également une stimulation cardiaque (tachycardie, augmentation du débit cardiaque), en grande partie provoquée par une libération de catécholamines en réaction à la vasodilatation. Elle n’est plus commercialisée en France.