La dihydrofolate réductase, DHFR, dont le rôle est de régénérer l’acide folique sous forme réduite, seule forme apte à céder un groupe méthyl, est nécessaire à la fois aux bactéries, au Plasmodium et aux cellules humaines normales et cancéreuses.
Les inhibiteurs de la dihydrofolate réductase, DHFR, responsable de la transformation du dihydrofolate en tétrahydrofolate, ont des propriétés antibiotiques, antipaludiques et antinéoplasiques.
Les inhibiteurs de la DHFR doivent avoir une spécificité d’action suffisante vis-à-vis de l’enzyme des micro-organismes ou des cellules tumorales pour ne pas entraîner trop d’effets indésirables chez l’homme.
Triméthoprime
Le triméthoprime est un inhibiteur de la dihydrofolate réductase (DHFR) des micro-organismes, mais une résistance à son action se développe rapidement lorsqu’il est utilisé seul, si bien que son utilisation isolée, c’est-à-dire sans autre antibiotique associé, est restreinte.
Pour renforcer son action et s’opposer au développement de la résistance, le triméthoprime est associé à un sulfamide qui inhibe la synthèse d’acide folique. Par ce double effet, inhibition de la synthèse d’acide folique et inhibition de la dihydrofolate réductase, l’association utilisée, le plus souvent triméthoprime-sulfaméthoxaxole, constitue un antibiotique efficace contre de nombreux germes : streptocoques, staphylocoques, Proteus, Enterobacter, Salmonella, Shigella, Serratia, Brucella abortus, Pasteurella haemolytica, Nocardia etc., responsables d’infections urinaires, pulmonaires, intestinales.
L’association triméthoprime-sulfaméthoxaxole est généralement bien tolérée, mais on observe chez certains malades traités par elle des leucopénies, thrombopénies, anémies, agranulocytoses, évocatrices d’un trouble de la maturation cellulaire, probablement secondaire à une inhibition de la DHFR humaine.
Cette association est à l’origine de réactions dermatologiques graves mais rares, syndrome de Stevens-Johnson et Lyell.
Par ailleurs le triméthoprime peut être à l’origine d’une hyperkaliémie par diminution de l’élimination urinaire de potassium.
Pyriméthamine
La pyriméthamine est un dérivé des diaminopyridines qui inhibe d’une manière assez sélective la DHFR du Plasmodium sans inhiber celle du malade, sans que l’on connaisse le mécanisme responsable de cette sélectivité. Cette inhibition bloque la division cellulaire du parasite au stade de schizonte.
La pyriméthamine se différencie du triméthoprime par une plus grande spécificité d’action sur la DHFR de Plasmodium malariae que sur celle des bactéries. Le tableau suivant indique la concentration approximative qui est nécessaire pour obtenir une inhibition de 50% de l’enzyme hépatique, bactérienne et parasitaire.
La pyriméthamine est absorbée lentement, mais complètement, par le tube digestif. Sa demi-vie plasmatique est longue, proche de 100 heures.
L’association de pyriméthamine à un inhibiteur de la synthèse d’acide folique comme la sulfadoxine ou le sulfaméthoxaxole, renforce l’activité antiparasitaire. La pyriméthamine associée à la sulfadiazine est également utilisée dans le traitement de la toxoplasmose.
Les principaux effets indésirables de la pyriméthamine seule sont l’anémie et ceux de l’association pyriméthamine-sulfamide sont des réactions cutanées parfois graves.
La résistance de Plasmodium falciparum à la pyriméthamine provient d’une mutation conduisant à la synthèse d’une DHFR non sensible en raison du remplacement d’un acide aminé par un autre.
Chloroguanide ou Proguanil
Le proguanil n’a pas, par lui-même, d’activité antipaludique, mais un de ses métabolites, le cycloguanil, à structure triazine, inhibe assez spécifiquement la DHFR du Plasmodium et empêche sa division.
Le proguanil, utilisé chez la femme enceinte, ne semble pas avoir entraîné de malformations ftales.
Le proguanil, associé à l’atovaquone , est commercialisé comme antipaludique sous le nom de Malarone*.
Proguanil + Atovaquone |
Malarone* Adulte, Enfant, Comprimés |
Pentamidine
La pentamidine est une diamine active contre les trypanosomes, les leshmanies et Pneumocystis carinii. Elle a plusieurs mécanismes d’action parmi lesquels l’inhibition de la dihydrofolate réductase des parasites.
Méthotrexate
Le méthotrexate (MTX), analogue de l’acide folique, a été le premier médicament qui ait permis d’obtenir des rémissions de leucémies et qui ait été efficace dans le traitement du choriocarcinome. Il forme un complexe ternaire inactif avec la DHFR et le NADPH.
Le MTX est un inhibiteur non spécifique de la dihydrofolate réductase (DHFR) des cellules bactériennes et cancéreuses ainsi que des cellules normales.
L’inhibition de la DHFR, en empêchant la réduction de l’acide folique, précurseur inactif, en acide tétrahydrofolique puis en acide folinique biologiquement actif, perturbe la synthèse des bases puriques, adénine et guanine, et d’une base pyrimidique, la thymidine (Voir « Acide folique ».).
En plus de son effet inhibiteur de la DHFR, il peut inhiber l’amidophosphoryl-transférase qui transforme le phosphoribosyl pyrophosphate en 5-phosphoribosylamine, conduisant à la synthèse de l’IMP.
Le MTX pénètre dans les cellules par transport actif, mais, lorsqu’il est présent à forte concentration, une diffusion passive est possible. Dans la cellule, le MTX comme l’acide folique fixe un ou plusieurs résidus glutamate sous l’influence de la folyl-polyglutamate synthétase et, sous la forme polyglutamate, le MTX persiste longtemps à l’intérieur des cellules.
Le MTX n’a pas une grande sélectivité d’action et ses effets apparaissent surtout sur les cellules en division rapide, cellules cancéreuses, cellules normales de l’épithélium digestif et de la moelle osseuse.
La biodisponibilité du méthotrexate en administration par voie buccale est d’environ 75%. Il se fixe à 35% aux protéines plasmatiques et pénètre dans le cerveau et le liquide céphalorachidien.
L’administration d’acide folinique forme active de l’acide folique (LEDERFOLINE*), qui est d’emblée actif comme donneur de groupe monocarboné sans intervention de la DHFR, réduit la toxicité du méthotrexate vis-à-vis des tissus normaux mais réduit aussi son efficacité.
Les traitements par des doses très élevées de méthotrexate, comme celles que l’on utilise dans certains lymphomes et les ostéosarcomes, nécessitent le maintien d’une diurèse élevée et alcaline et l’administration, 24 ou 36 heures après l’arrêt de la perfusion de méthotrexate, de fortes doses d’acide folinique pour contrecarrer la toxicité du méthotrexate.
MÉTHOTRÉXATE R.B* Cp 2,5 mg, Inj 5, 20 et 50 mg |
Les indications du MTX sont nombreuses :
- À forte dose, en cancérologie : traitement des choriocarcinomes, des leucémies, des lymphomes, des ostéosarcomes, des cancers de la sphère ORL et du cancer du sein, où il est associé à d’autres antinéoplasiques.
- À faible dose, – de 100 à 1000 fois plus faible que celle qui est utilisée en cancérologie – il est utilisé, peut-être en raison de son effet anti-inflammatoire et de son effet inhibiteur des divisions cellulaires, dans le traitement du psoriasis, la polyarthrite rhumatoïde, certaines maladies inflammatoires du tube digestif, du foie, certains asthmes graves.
Les effets indésirables du méthotrexate sont nombreux et très fréquents, surtout à doses élevées.
- Troubles sanguins : leucopénie, thrombocytopénie, agranulocytose.
- Troubles digestifs : nausées, vomissements, anorexie, douleurs abdominales.
- Augmentation de la sensibilité aux infections.
- Effet tératogène : la grossesse est une contre-indication à la prescription de méthotrexate.
- Altération des spermatozoïdes et oligospermie.
- Développement d’une résistance des cellules cancéreuses au MTX. Elle s’explique par divers mécanismes : diminution de sa pénétration dans les cellules, production de DHFR peu sensible à son effet, diminution de la synthèse du MTX polyglutamate, et non nécessité de l’activité de la thymidylate synthase pour la croissance tumorale.
Trimétrexate
Le trimétrexate est un inhibiteur de la DHFR bactérienne, parasitaire et humaine. Il est plus liposoluble que le méthotrexate. Il a été utilisé dans le traitement de la pneumonie à Pneumocystis carinii chez les immunodéprimés, notamment les malades atteints de SIDA. Pneumocystis carinii, considéré plutôt comme un champignon que comme un parasite, devient pathogène en cas de déficience immunitaire. Pour réduire la toxicité du trimétrexate, on lui adjoint de l’acide folinique. Les effets indésirables du trimétrexate sont du même type que ceux du méthotrexate et une surveillance extrêmement étroite des malades qui le reçoivent est indispensable. Il est et tératogène et foetotoxique. Il serait plus actif que le méthotrexate contre Pneumocystis carinii. Il a été commercialisé dans certains pays sous le nom de Neutrexin*.