L’interaction entre deux molécules peut conduire à l’établissement d’un lien entre elles. Ce lien peut être fort, généralement irréversible, de type liaison covalente ou plus faible, transitoire, mettant en jeu des interactions de faible énergie.
Liaison covalente
La liaison covalente résulte de la mise en commun par deux atomes de deux électrons qui les lient. Pour assurer ce lien, les orbitales des électrons des deux atomes se recouvrent. Ce recouvrement peut se faire d’une manière axiale, l’axe passant par les noyaux des deux atomes et la liaison est dite s, ou d’une manière latérale, dite p, qui existe en cas de double et de triple liaison, le recouvrement électronique se faisant en dehors de l’axe précédent.
Par ailleurs, l’existence d’électrons dans les orbitales antiliantes affaiblit la liaison covalente.
L’énergie d’une liaison covalente est comprise entre 30 et 100 Kcal/mol. Cette liaison, compte-tenu de son énergie, est généralement irréversible. Cette notion d’irréversibilité doit être tempérée : lorsque une molécule A a établi une liaison covalente avec une molécule B pour donner une molécule AB la réaction peut être considérée comme irréversible. Cependant si cette molécule AB est mise en présence d’une molécule C ayant une grande affinité pour la molécule A, l’équilibre peut se déplacer en faveur de la formation d’une molécule AC. C’est ce que l’on observe dans des réactions mettant en jeu des groupes thiol, des chélateurs, des bases de Schiff. De plus, si la molécule AB se trouve dans un nouvel environnement différent par le pH ou le potentiel d’oxydoréduction, elle peut se dissocier.
Le nombre de médicaments qui établissent directement des liaisons covalentes avec les molécules endogènes est assez restreint. On peut citer parmi ceux-ci, à titre d’exemple, les agents alkylants et le platine qui altèrent le DNA avec lequel ils forment des adduits, la pénicilline qui se fixe au PBP (penicillin binding proteins), l’aspirine qui acétyle les cyclooxygénases, un métabolite de l’oméprazole qui se lie à l’atome de soufre de la cystéine, acide aminé constitutif de la pompe à protons.
Un certain nombre d’effets indésirables des médicaments s’explique par la formation de liaisons covalentes entre le médicament ou ses métabolites et des molécules endogènes.
L’établissement et la rupture de liaisons covalentes jouent un rôle capital dans le métabolisme, la biosynthèse, la biodégradation des produits endogènes, la biotransformation des médicaments et les effets qu’ils initient (activation d’enzymes, phosphorylation etc.). Ces transformations nécessitent de l’énergie, habituellement apportée par l’hydrolyse de l’ATP, et la présence d’enzymes qui facilitent les réactions biochimiques.
En inhibant une enzyme, un médicament empêche la formation ou la destruction d’une liaison covalente.
Interactions de faible énergie
Les interactions moléculaires de faible énergie, désignées souvent sous le nom de forces de Van der Vaals, comprennent les interactions entre dipoles permanents de type Keesom, les interactions entre dipoles permanents et dipoles induits de type Debye et les interactions entre dipoles instantanés dites de London. L’énergie de ces interactions faibles qui sont de type électrostatique est de l’ordre de 0,5 à 1 Kcal/mol. Ce sont des interactions ioniques et hydrophobes auxquelles on rattache la liaison hydrogène.
Interactions ioniques
Les molécules endogènes, notamment les protéines, et beaucoup de médicaments sont ionisés dans les milieux biologiques. Il existe entre ces molécules des forces d’attraction (charges de signe opposé) et de répulsion (charges de même signe).
Liaison hydrogène
La liaison hydrogène est une interaction, un lien établi par l’intermédiaire d’un atome d’hydrogène, entre deux atomes comme l’oxygène, l’azote, le soufre, appartenant soit à la même molécule et la liaison est dite intramoléculaire, soit à deux molécules et la liaison est dite intermoléculaire. L’énergie de la liaison hydrogène est d’environ 5 Kcal/mol, suffisamment élevée pour avoir des conséquences importantes et suffisamment faible pour être facilement réversible. La liaison hydrogène joue un rôle considérable dans la stabilisation des édifices protéiques et des acides nucléiques, dans les échanges de protons et est à l’origine des particularités de la molécule d’eau.
Interactions hydrophobes
L’interaction de type hydrophobe résulte des forces d’attraction et de répulsion entre molécules, les molécules polaires d’une part et les molécules non polaires d’autre part tendant à s’assembler entre elles. Cette interaction est à l’origine de la séparation des phases aqueuses et lipidiques. Après une émulsion acide gras/eau, les gouttelettes d’huile s’assemblent spontanément entre elles et se séparent de l’eau. Il y a ainsi réduction de la surface de l’interface polaire/non polaire. La dimérisation par formation de liaisons dites à agrafe-leucine est un exemple d’interaction hydrophobe.
Notion d’hydratation
Dans les milieux biologiques les molécules polaires, surtout celles qui sont ionisées, s’entourent de molécules d’eau : les molécules chargées positivement interagissent avec l’atome d’oxygène de l’eau et les molécules chargées négativement avec l’atome d’hydrogène. On admet que lorsque deux molécules hydratées interagissent, elles se « déshydratent » au moins partiellement avant et lors de leur interaction.
Ces interactions de faible énergie, que l’on observe notamment entre messagers et recepteurs, sont généralement réversibles. Les interactions qui se produisent entre une molécule et un récepteur peuvent se résumer ainsi :
- Ils n’ont aucune affinité l’un pour l’autre et il ne se passe rien au terme d’une rencontre aléatoire.
- Le médicament a un grande affinité pour un récepteur en raison de leur complémentarité structurale et électrostatique et ils s’associent sans entraîner de modification du récepteur ou en entraînant une modification non fonctionnelle. Il s’agit dans ce cas d’un antagoniste car, en raison de son affinité, il inhibe la fixation du messager activateur.
- Le médicament, non seulement se fixe sur le récepteur, mais en plus l’active, c’est-à-dire déclenche une série de réactions enzymatiques à l’origine de l’effet observé. Dans ce cas, il s’agit d’un agoniste.
On ne sait pas exactement comment un messager déclenche, en se fixant sur un récepteur, l’ouverture d’un canal ou la mise en route d’une cascade de réactions enzymatiques. Mais on sait qu’il met en jeu des modifications conformationnelles, des modifications de la distribution électronique, l’échange de protons ou d’électrons. On trouve dans la littérature des études ponctuelles concernant le mécanisme de l’activation de tel ou tel récepteur mettant en jeu par exemple un échange de protons, mais pas encore de concepts généraux explicatifs.
Conséquences pharmacologiques
Qu’il s’agisse de l’établissement de liaisons covalentes ou de la mise en jeu d’interactions de faible énergie, l’effet d’un médicament dépend de sa cible :
- si, par exemple, le médicament interagit avec le récepteur a1-adrénergique d’une fibre vasculaire – soit comme agoniste pour le stimuler, soit comme antagoniste pour le soustraire à l’influence de l’agoniste endogène, la noradrénaline par exemple – la conséquence de cette interaction sera nécessairement une modification de l’activité des protéines Gp et de la phospholipase C et une augmentation de la concentration intracellulaire de calcium et une vasoconstriction avec l’agoniste et l’effet opposé, c’est-à dire une relaxation avec l’antagoniste.
- si le médicament inhibe une enzyme, on observe par exemple une diminution de la formation d’angiotensine II sous l’effet d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, et une accumulation d’acétylcholine sous l’effet d’un inhibiteur des cholinestérases, et l’arrêt du développement d’un germe si le médicament a inhibé une enzyme nécessaire à son développement.
- Si le médicament interagit avec un canal d’une membrane, le fonctionnement de ce canal pourra être modifié.
Ces considérations expliquent l’intérêt de la classification des médicaments en fonction de leurs cibles.