La mise en évidence de la responsabilité d’un médicament dans l’apparition d’un effet indésirable repose sur deux démarches complémentaires et souvent associées : l’analyse détaillée de l’observation ou imputabilité et l’étude comparative de la fréquence de l’effet indésirable considéré.
Imputabilité
L’appréciation de la responsabilité d’un médicament dans l’apparition d’un effet indésirable chez un sujet donné est appelée imputabilité. Elle repose sur l’analyse détaillée de l’effet indésirable et utilise des arguments sémiologiques et chronologiques.
Les arguments sémiologiques tiennent compte de la symptomatologie clinique et des examens paracliniques. Une sémiologie est évocatrice dans la mesure où on la reconnaît comme telle, c’est-à-dire dans la mesure où elle coïncide avec les données admises de la littérature. Une hémorragie survenant sous traitement anticoagulant à l’héparine est assez évocatrice car elle est reconnue comme effet indésirable possible de l’héparine. Une thrombopénie survenant dans les mêmes conditions devient évocatrice seulement depuis qu’elle a été reconnue comme un effet indésirable de l’héparine. Les arguments sémiologiques augmentent l’imputabilité des accidents connus au détriment des accidents non encore répertoriés.
Les arguments chronologiques sont :
- la coïncidence entre l’effet indésirable et la prise du médicament,
- la disparition de l’effet à l’arrêt du médicament,
- la réapparition de l’effet à la reprise du médicament.
Mais la réadministration du médicament suspect comme épreuve diagnostique n’est acceptable que si elle ne fait pas courir de risque grave au malade et qu’elle peut permettre d’éviter une prescription ultérieure dangereuse.
Cependant, en cas de dépendance, l’effet indésirable peut apparaître à l’arrêt du médicament. Il s’agit en général de l’effet inverse de celui du médicament; par exemple à l’arrêt du médicament hypnotique, il y a majoration de l’insomnie.
Chez les personnes âgées, il est souvent difficile de différencier les conséquences des maladies et de l’altération de l’état général des effets indésirables induits par le ou les nombreux médicaments utilisés. L’amélioration de l’état du malade à l’arrêt du ou des médicaments constitue le meilleur argument en faveur de l’existence d’un effet indésirable médicamenteux.
Etude de la fréquence
L’analyse de la fréquence d’un effet indésirable supposé peut être entreprise pour s’assurer de sa réalité et apprécier le risque de sa survenue.
La comparaison de la fréquence d’un effet indésirable déterminé dans un groupe de malades traités par un médicament avec celle que l’on observe dans un groupe de personnes non traitées par lui, permet d’évaluer la probabilité de sa responsabilité dans cet effet. Il s’agit d’une méthode statistique, non applicable à un cas isolé, qui est utilisée dans les études épidémiologiques. Pour mettre en évidence un effet indésirable apparaissant plusieurs années après un traitement – comme le risque de cancer de l’ovaire après stimulation ovarienne pour traiter une stérilité – il faut recourir à la comparaison de la fréquence de ces cancers dans la population traitée et non traitée. Les résultats de ce type d’études, même très bien conduites, ne doivent pas toujours être considérés comme apportant une réponse définitive au problème posé car l’expérience montre qu’en raison de biais non décelés, des études ultérieures peuvent conduire à des conclusions différentes, voire opposées.
L’analyse de la fréquence est aussi utilisée d’une manière intuitive, sans qu’on en ait toujours conscience, pour rechercher la cause d’un fait dont la répétition est apparue quelque peu inhabituelle à l’observateur – comme par exemple la rupture du tendon d’Achille chez les malades traités par les fluoroquinolones.