Les antiépileptiques sont les médicaments qui suppriment les crises d’épilepsie ou réduisent leur fréquence et leur gravité.
L’épilepsie peut se définir comme un trouble paroxystique récidivant de la fonction cérébrale. Elle est caractérisée par des crises brutales et brèves d’altération de la conscience, d’activité motrice, de phénomènes sensoriels ou de comportement inadaptés, symptômes isolés ou associés, selon les différents types d’épilepsie.
La genèse de l’épilepsie est une augmentation de l’excitabilité d’un foyer du cerveau, due à une dépolarisation excessive qui peut ensuite se propager ou non à l’ensemble du cerveau. Pour éviter cette tendance à la dépolarisation, on renforce la polarisation cellulaire, soit en inhibant l’entrée de sodium, soit en favorisant l’entrée de chlorure.
Des antiépileptiques comme la phénytoïne, la carbamazépine et la lamotrigine inhibent les canaux sodium voltage-dépendants. Ils diminuent l’excitabilité cellulaire en réduisant la pénétration du sodium. Ils pourraient de plus augmenter la polarisation cellulaire en augmentant la sortie de sodium par stimulation de la pompe Na+/K+-ATPase.
D’autres antiépileptiques comme le phénobarbital, le progabide, le vigabatrin, le clonazépam, ont un effet gabamimétique et diminuent l’excitabilité en favorisant l’entrée de chlorure dans la cellule et non en inhibant l’entrée de sodium. Ils sont étudiés dans le chapitre GABA.
L’acide valproïque est un antiépileptique à double mécanisme d’action : il diminue l’entrée du sodium et augmente celle du chlorure par effet gabamimétique indirect.
Phénytoine
La phénytoïne, en agissant sur la partie intracellulaire des canaux sodium voltage-dépendants, diminue l’entrée de sodium dans le neurone et diminue ainsi son excitabilité.
L’activité antiépileptique de la phénytoïne a été mise en évidence au cours de recherches systématiques chez l’animal : elle supprime la phase tonique mais laisse persister la phase clonique provoquée par une décharge électrique et est peu active contre les crises déclenchées par le pentylènetétrazol.
La phénytoïne a été le premier antiépileptique non sédatif à être utilisé en thérapeutique.
Elle diminue l’intensité des névralgies faciales et s’oppose à certains troubles du rythme cardiaque.
Sur le plan pharmacocinétique, les concentrations plasmatiques de phénytoïne efficaces dans le traitement de l’épilepsie sont comprises entre 5 et 15 mg/L. A partir de 20 mg, on observe un nystagmus, à 30 mg de l’ataxie et à 40 mg une léthargie. Les concentrations élevées sont non seulement inefficaces contre les crises d’épilepsies, mais peuvent les aggraver.
Son absorption digestive est lente, variable d’un individu à l’autre et incomplète. Sa liaison aux protéines est de 90%. Son métabolisme, essentiellement hépatique, s’effectue par hydroxylation. Sa demi-vie plasmatique augmente avec la dose. A 10 mg/L, elle est d’environ 24 heures. A posologie égale, les concentrations plasmatiques sont plus élevées chez la femme enceinte.
De nombreux médicaments, lorsqu’ils sont administrés à un malade traité par la phénytoïne, peuvent en modifier la concentration plasmatique : les AINS, la cimétidine, le disulfirame, le chloramphénicol, le miconazole, la nifédipine et l’isoniazide tendent à l’augmenter, le phénobarbital et la carbamazépine ainsi que l’acide folique tendent à la diminuer.
La phénytoïne, inducteur enzymatique, accélère le catabolisme d’autres médicaments ou de substances endogènes : vitamine D (ce qui entraîne les ostéomalacies), acide folique (ce qui peut entraîner des anémies mégaloblastiques), cortisol, estroprogestatifs, anti-vitamines K et digitaline.
La phénytoïne est active pratiquement dans l’ensemble des épilepsies (généralisées motrices, partielles, partielles complexes) sauf les absences. Elle est prise par voie buccale en traitement continu et est administrée par voie injectable sous la forme de phénytoïne ou de fosphénytoïne en cas d’état de mal épileptique de type tonicoclonique, en prévention des crises post-opératoires ou post-traumatiques et aussi en remplacement de la voie buccale lorsque celle-ci n’est pas possible.
La phénytoïne peut entraîner divers effets indésirables :
- neurosensoriels : nystagmus, ataxie, vertiges, troubles visuels, diplopie, hyperactivité, hyperréflectivité, et à doses très élevées, confusion mentale, hallucinations.
- digestifs : nausées, gastralgies, et un effet indésirable particulier, l’hyperplasie des gencives.
- endocriniens : effet diurétique possible par diminution de la sécrétion de l’hormone antidiurétique, hyperglycémie peut-être par diminution de la sécrétion d’insuline, hypocalcémie peut-être par catabolisme exagéré de la vitamine D.
- dermatologiques : des éruptions cutanées graves ont été signalées.
- sanguins : leucopénie, thrombopénie ou anémie sont rarement observées.
Administrée à la femme enceinte, la phénytoïne augmente le risque de malformations, en particulier de la fente du palais, peut-être par déficience en acide folique. Cet effet s’observe dans l’espèce humaine et chez l’animal. Il est donc préférable de ne pas prescrire de phénytoïne à la femme enceinte. De plus, le traitement de la mère par la phénytoïne durant la grossesse pourrait diminuer légèrement le quotient intellectuel de l’enfant, ce qui ne serait pas observé après traitement par la carbamazépine.
La fosphénytoïne est un phosphate de phénytoïne soluble dans l’eau, ce qui permet de l’administrer par voie parentérale (IM, IV). Dans l’organisme la fosphénytoïne est hydrolysée en phénytoïne, produit actif.
- Une pâte dentaire à base de phénytoïne a été commercialisée en France sous le nom de Pyorédol pour le traitement des parodontopathies.
Carbamazépine
La structure chimique de la carbamazépine est proche de celle des antidépresseurs tricycliques.
Ses effets ressemblent beaucoup à ceux de la phénytoïne, sans toutefois les recouvrir.
Sur le plan pharmacocinétique, la concentration plasmatique efficace de carbamazépine est de 4 à 8 mg/L. Son absorption digestive est variable selon les individus. Elle est transformée au niveau hépatique en époxide qui est lui-même un produit actif. Sa demi-vie plasmatique va de 13 à 17 heures et celle de son métabolite époxide de 5 à 8 heures. Elle est inducteur enzymatique et peut accélérer le catabolisme de certains médicaments.
Certains macrolides comme l’érythromycine inhibent le catabolisme de la carbamazépine dont la concentration plasmatique s’élève.
La carbamazépine est indiquée dans les épilepsies partielles, en particulier les épilepsies temporales ou psychomotrices, et dans les épilepsies généralisées (grand mal). Elle est inactive dans le petit mal.
Elle peut être utilisée dans le traitement des névralgies faciales.
Elle a en outre une indication particulière, la psychose maniaco-dépressive, où elle a un effet qui ressemble à celui du lithium et peut parfois remplacer ce dernier lorsqu’il est mal supporté.
La carbamazépine, comme le lithium, est parfois associée aux antidépresseurs dans le traitement des dépressions rebelles.
La carbamazépine peut avoir des effets indésirables :
- neurosensoriels : diplopie, vue brouillée, somnolence, ataxie, vertiges
- sanguins : leucopénie, thrombopénie demandant une surveillance de la formule-numération sanguine
- cutanés : pigmentation, rash et épidermolyse bulleuse toxique.
- réactions d’hypersensibilité avec divers troubles : éosinophilie, arthralgies, hépatite.
- cardiaques : troubles de la conduction qui apparaissent en cas de surdosage.
Oxcarbazépine
L’oxcarbazépine, dérivé de la carbamazépine, inhibe les canaux sodiques voltage-dépendants et possède des propriétés antiépileptiques. Son principal intérêt par rapport à la carbamazépine serait d’entraîner moins d’interactions médicamenteuses qui existent néanmoins .
Oxcarbazépine |
TRILEPTAL* Cp pelliculés à 150, 300, 600 mg et Suspension buvable |
Lamotrigine
La lamotrigine, qui a une structure de type triazine, est un inhibiteur des canaux sodiques voltage-dépendants. C’est sans doute par ce mécanisme qu’elle diminue la libération présynaptique de glutamate et d’aspartate, eux-mêmes à l’origine d’une dépolarisation postsynaptique.
La lamotrigine est indiquée dans le traitement des épilepsies rebelles au traitement habituel.
Ses effets indésirables les plus fréquents sont de type neurosensoriel (diplopie, vertiges) et parfois exacerbation des crises d’épilepsie. Des manifestations cutanées sévères ont été exceptionnellement observées (syndrome de Lyell, syndrome de Stevens-Johnson).
La prise concomitante de lamotrigine et d’acide valproïque peut ralentir le métabolisme de la lamotrigine dont la concentration plasmatique s’élève anormalement.
Acide valproïque
L’acide valproïque, antiépileptique mixte, inhibe l’entrée de sodium dans la cellule par les canaux sodium voltage-dépendants et favorise l’entrée de chlorure par effet GABA-mimétique. Par ces deux mécanismes complémentaires, il augmente la polarisation de la cellule et diminue son excitabilité. Son effet de type GABA-mimétique prédomine sur son effet sur les canaux sodium voltage-dépendants. Il est efficace dans la plupart des épilepsies et est très largement utilisé. L’acide valproïque peut être utilisé à la place du lithium – ou associé à ce dernier – dans le traitement des troubles psychiatriques cycliques de type psychose maniaco-dépressive.
DÉPAKINE* Sol buv, Sirop, Cp gastro-résistants 200 et 500 mg |
Le valpromide ou dipropylacétamide, est métatabolisé dans l’organisme essentiellement en acide valproïque. Son activité dans certains troubles neuropsychiatriques a été décrite il y a de nombreuses années; il s’utilise dans les troubles maniaco-dépressifs.
Felbamate
Le felbamate est un carbamate (–O–CO–NH2) dont la structure est proche de celle du méprobamate qui a été largement utilisé comme anxiolytique depuis 1954. Le felbamate est connu depuis 1959. Il possède des propriétés antiépileptiques et peut être utilisé actuellement dans le traitement d’une forme d’épilepsie désignée sous le nom de syndrome de Lennox-Gastaut qui est très réfractaire à la plupart des antiépileptiques. Le mécanisme d’action du felbamate est mal connu, ce qui n’est pas étonnant car il n’agit qu’à dose élevée (comprimés à 400 et 600 mg), ce qui laisse supposer qu’il n’a pas une forte affinité pour un type donné de récepteur. Plusieurs mécanismes d’action ont été proposés, dont une inhibition des canaux sodiques voltage-dépendants.
Le felbamate est un médicament qui a des effets indésirables graves, voire mortels : aplasie médullaire, insuffisance hépatique aiguë et accidents d’hypersensibilisation à manifestation cutanée ou de choc. Par ailleurs, lorsqu’il est utilisé en parallèle avec d’autres antiépileptiques, phénytoïne, valproate de sodium, il peut modifier leur métabolisme et il est nécessaire de contrôler attentivement leur concentration plasmatique. Son utilisation est donc très limitée et sa prescription doit s’accompagner d’une surveillance clinique et biologique (hématologique, hépatique).
Topiramate
Le topiramate est un sulfamate (–SO2–NH2) ayant une activité anticonvulsivante à la dose 200 à 600 mg par jour. Il inhibe les canaux sodiques voltage-dépendants et certains récepteurs non-NMDA du glutamate. Il est prescrit dans le traitement des épilepsies partielles, en complément d’autres antiépileptiques.
Il inhibe l’anhydrase carbonique et augmente le risque de formation de calculs rénaux. Il peut par ailleurs entraîner une somnolence et divers troubles neuropsychiatriques.
Zonisamide
Le zonisamide est indiqué dans les épilepsies partielles avec ou sans généralisation secondaire en complément d’autres antiépileptiques insuffisamment efficaces.
Comme tous les médicaments actifs seulement à doses relativement élevées, on lui a décrit plusieurs mécanismes d’action mais l’effet antiépileptique résulterait principalement d’une inhibition des canaux sodiques voltage-dépendants. Il est métabolisé par N-acétylation et par le cytochrome CYP3A4.
Parmi ses effets indésirables on peut signaler diverses manifestations neuropsychiatriques, des éruptions parfois graves, une réduction de la sudation augmentant le risque d’hyperthermie, des calculs rénaux. Ils sont probablement dose-dépendants.
Zonisamide |
ZONEGRAN* Cp 25, 50 et 100 mg |
Utilisation des antiépileptiques
Quelque soit le médicament prescrit, comme il s’agit d’un traitement de très longue durée, souvent à vie, le diagnostic d’épilepsie et du type d’épilepsie doit être clairement établi avant sa prescription.
Le traitement initial comporte un seul médicament antiépileptique (monothérapie) dont on adapte la posologie.
En cas d’échec de la monothérapie, on peut, soit remplacer le premier médicament par un deuxième mais en les faisant chevaucher pendant quelques jours, soit ajouter un deuxième médicament au premier. Un certain nombre d’études montrent qu’une bithérapie bien choisie peut augmenter l’efficacité du traitement en réduisant parfois les effets indésirables car, dans ce cas, chacun des deux médicaments peut être utilisé à posologie plus faible.
L’arrêt brutal du traitement par un antiépileptique efficace entraîne une reprise majorée des crises d’épilepsies. Si un arrêt de traitement est décidé, il doit être effectué d’une manière extrêmement progressive, sous surveillance, pour éviter ce risque.
- Des insecticides, pyréthrines, lindane ou hexachloro-cyclohexane, DDT appelé aussi dichlorodiphényl-trichloréthane, augmentent la durée d’ouverture des canaux sodiques voltage-dépendants et créent une dépolarisation cellulaire. Ils donnent, en cas d’intoxication, des convulsions et des troubles du rythme cardiaque. Les pyréthrines comme la perméthrine et le lindane, outre leur utilisation en agriculture, sont utilisés sous plusieurs noms commerciaux en tant que médicaments pour traiter la pédiculose (poux) du cuir chevelu et la gale, sous forme de poudre, de lotion ou de spray qui sont relativement peu toxiques pour l’homme. On les utilise aussi comme insectifuges par imprégnation des vêtements et des moustiquaires.
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