Auteur : Pierre Allain

Angiotensine

Sous le terme angiotensine, on désigne trois polypeptides dérivant de l’angiotensinogène : l’angiotensine I, décapeptide inactif, l’angiotensine II, octapeptide vasoconstricteur très puissant et l’angiotensine III, heptapeptide qui favorise la sécrétion d’aldostérone.

Métabolisme

La biosynthèse de l’angiotensine se fait selon deux voies : la voie classique connue depuis longtemps, mettant en jeu la rénine et l’enzyme de conversion, et une voie de connaissance plus récente, mettant en jeu d’autres enzymes, une chymase jouant le même rôle que l’enzyme de conversion de l’angiotensine et d’autres enzymes permettant la transformation directe de l’angiotensinogène en angiotensine II.

Métabolisme de l’angiotensine
  • L’angiotensinogène est une glycoprotéine, de poids moléculaire de 50 000 à 100 000, synthétisée par le foie qui la libère dans le plasma. Sa concentration plasmatique est suffisante pour n’être pas le facteur limitant de la formation d’angiotensine I. D’autres tissus, le rein (tubule), les vaisseaux (adventice) et certaines parties du cerveau synthétisent également l’angiotensinogène. La synthèse d’angiotensinogène est augmentée par la prise de glucocorticoïdes et d’estrogènes (contraceptifs).
  • La rénine est une enzyme qui assure la production d’angiotensine I à partir de l’angiotensinogène. C’est une protéase acide de type aspartyl de nature glycoprotéique, de poids moléculaire d’environ 40 000, qui coupe la liaison leucine-valine et détache ainsi l’angiotensine I de l’angiotensinogène.
    La rénine est synthétisée, sous forme de prorénine, par la partie juxtaglomérulaire du néphron qui la libère dans le plasma sanguin où sa demi-vie est de 15 à 30 minutes et à partir duquel elle se fixe dans les tissus : foie, cœur, vaisseaux. Le rein la synthétise et les autres tissus peuvent la fixer et peut-être même la synthétiser.
  • L’enzyme de conversion transforme l’angiotensine I inactive en angiotensine II active et inactive la bradykinine. C’est une enzyme à zinc présente au niveau de l’endothélium vasculaire, plus particulièrement celui des vaisseaux pulmonaires, de l’endocarde, du cerveau. On la trouve également dans le plasma.
  • L’aminopepdidase A détache l’acide aspartique de l’angiotensine II qui devient l’angiotensine III.
  • La chymase est une enzyme présente dans divers tissus dont le cœur, qui catalyse la transformation de l’angiotensine I en angiotensine II. Son action est spécifique, c’est-à-dire qu’elle n’agit pas sur d’autres substrats tels que la bradykinine. Son activité n’est pas modifiée par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.
  • D’autres enzymes, comme la cathepsine, peuvent catalyser directement la formation d’angiotensine II à partir de l’angiotensinogène.

La régulation du système est assurée pour l’essentiel par la rénine.

La sécrétion de rénine est augmentée par plusieurs facteurs :

  • diminution de la pression artérielle
  • diminution de la concentration du sodium plasmatique
  • augmentation des catécholamines qui agissent par effet ß
  • divers médicaments (anesthésiques généraux, diurétiques).

La sécrétion de rénine est diminuée par certains médicaments : les ß-bloqueurs et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

La deuxième voie semble jouer un rôle certain dans la synthèse d’angiotensine II mais on n’a guère de données concernant la régulation de son fonctionnement. Elle reste fonctionnelle quand la voie rénine/enzyme de conversion de l’angiotensine est inhibée.

Effets

L’angiotensine produit ses effets en stimulant des récepteurs spécifiques appelés AT1 et AT2.

Les récepteurs AT1 sont couplés par l’intermédiaire des protéines G à l’activation de la phospholipase C (hydrolyse de PIP2) ou à l’inhibition de l’adenylcyclase et la stimulation de la voie de signalisation MAP-kinase conduisant à l’activation des proto-oncogènes c-fos et c-jun, notamment au niveau du cœur et des muscles lisses vasculaires. La stimulation des récepteurs AT1 est responsable de la plupart des effets de l’angiotensine II, notamment la vasoconstriction, mais aussi de l’angiogenèse, nécessaire à la croissance tumorale.

Le rôle des récepteurs AT2 est moins connu ; leur stimulation entraînerait une vasodilatation par ouverture de canaux potassiques ou par activation de la guanylate cyclase et un effet antimitogène au niveau de l’endothélium, peut-être par activité protéine phosphatase, neutralisant l’effet des kinases. La densité des récepteurs AT2 est beaucoup plus élevée dans les tissus fœtaux que dans ceux de l’adulte, sans que l’on en sache la raison.

Effets périphériques

Les effets de l’angiotensine sont essentiellement cardiovasculaires.

  1. Effet vasoconstricteur
    Exprimé en activité molaire, l’effet vasoconstricteur de l’angiotensine II est environ 40 fois plus important que celui de la noradrénaline. Son effet vasoconstricteur (AT1) qui est responsable de son effet hypertensifs, est surtout artériolaire (vaisseaux splanchniques, rénaux et cutanés) mais aussi veineux, ce qui tend à réduire le volume sanguin. L’effet vasoconstricteur de l’angiotensine n’est pas supprimé par les adrénolytiques mais par des antagonistes spécifiques.
    Au niveau rénal, l’angiotensine provoque une vasoconstriction de l’artériole efférente (sortie) du glomérule, ce qui permet de maintenir une pression artérielle suffisante pour assurer la filtration glomérulaire, notamment en cas de sténose de l’artère afférente (entrée). Dans ce cas, les antagonistes de l’angiotensine II peuvent, en levant la vasoconstriction de l’artère efférente, faire chuter la pression artérielle au dessous du seuil nécessaire à la filtration et entraîner une insuffisance rénale.
  2. Effet cardiaque
    L’angiotensine a un effet tachycardisant et faiblement inotrope positif (AT1) mais, in vivo, si l’effet vasoconstricteur est suffisant pour provoquer une hypertension artérielle, on observe une bradycardie réflexe.
    D’autre part, l’angiotensine participe directement, en plus des conséquences indirectes de son effet hypertenseur, au développement de l’hypertrophie cardiaque et des lésions athéromateuses vasculaires par son effet de type facteur de croissance (AT1). Elle mettrait en jeu d’une part la voie MAP-kinase par l’intermédiaire de la phospholipase C et de la protéine kinase C, d’autre part la voie JAK/STAT. Cette activation conduit à la transcription de gènes à l’origine de facteurs de croissance.
  3. Effet sur l’aldostérone
    A doses très faibles non vasoconstrictrices, l’angiotensine II et III stimulent la synthèse et la sécrétion d’aldostérone qui retient le sodium dans l’organisme et favorise l’élimination du potassium (effet AT1).
  4. Autre effet
    Par ailleurs, l’angiotensine II exerce in vitro une action contracturante sur diverses fibres lisses : iléon, utérus, bronches.

Effets centraux

Les effets centraux de l’angiotensine ont été mis en évidence essentiellement par l’expérimentation animale. Introduite dans des zones particulières du cerveau, l’angiotensine provoque :

  • une hypertension artérielle par stimulation du système sympathique et libération de noradrénaline. Cette hypertension est supprimée par les adrénolytiques a;
  • un effet dipsogène : augmentation de la soif et de la consommation d’eau;
  • une augmentation de la sécrétion de vasopressine et d’ACTH;
  • une augmentation de l’appétence sodique.

Le rôle possible du système rénine-angiotensine cérébral en physiopathologie humaine reste à préciser. Certaines études laissent supposer que des inhibiteurs de l’enzyme de conversion comme le captopril auraient un effet antidépresseur et diminueraient le besoin de consommer de l’alcool et peut-être un effet anxiolytique.