L’hormone antidiurétique, HAD, appelée aussi vasopressine, ou encore arginine vasopressine, est un nanopeptide synthétisé au niveau de l’hypothalamus, transporté puis stocké dans la post-hypophyse qui le libère dans la circulation sanguine. Elle a une action antidiurétique et une action vasopressive.
Métabolisme
La vasopressine est un polypeptide formé de neuf acides aminés dont deux molécules de cystéine liées par un pont disulfure. Sa structure ressemble à celle de l’ocytocine.
Sécrétion
Formée au niveau des noyaux supra-optiques et paraventriculaires de l’hypothalamus par clivages d’une préprohormone, polypeptide de 168 acides aminés, la vasopressine est transportée jusqu’à la post-hypophyse qui la stocke. Sa libération dépend essentiellement de deux facteurs : l’hyperosmolarité et le volume sanguin et par ailleurs de la prise de certains médicaments.
- Hyperosmolalité :
- Volume sanguin :
- La diminution du volume des liquides extracellulaires et de la pression artérielle diminue la stimulation des barorécepteurs situés au niveau des oreillettes, des veines pulmonaires, du sinus carotidien, et augmente la sécrétion de vasopressine et inversement. Par ailleurs, l’angiotensine favorise la sécrétion de HAD.
- Prise de certains médicaments :
- Les antidépresseurs tricycliques, la fluoxétine et les autres inhibiteurs de la recapture de sérotonine, la nicotine, les neuroleptiques, la carbamazépine peuvent augmenter la sécrétion d’HAD. Lorsque cette augmentation est importante, elle se traduit par une rétention d’eau, généralement décelée par une hyponatrémie de dilution. Ce syndrome est désigné dans la littérature sous le sigle SIHAD ou syndrome de sécrétion inapropriée d’hormone antidiurétique, HAD. Une potentialisation de l’effet de l’hormone au niveau rénal peut parallèlement s’observer.
- D’autres médicaments comme la phénytoïne, les minéralocorticoïdes et les glucocorticoïdes peuvent diminuer sa sécrétion. L’éthanol la réduit également.
En cas de diabète insipide d’origine hypophysaire, il y a défaut de sécrétion d’HAD. Par contre, en cas de diabète insipide d’origine rénale, appelé néphrogénique, il y a sécrétion d’HAD mais absence de réponse au niveau rénal.
Catabolisme
La demi-vie plasmatique de l’HAD est de 15 à 30 minutes. Elle est inactivée par des endopeptidases plasmatiques et tissulaires, notamment celles du rein et du foie.
Effets
Les effets de la vasopressine résultent de la stimulation de récepteurs de type V1, V1a, V1b et V2, le premier est responsable de la vasoconstriction, le deuxième de l’effet antidiurétique
Le récepteur V1 est couplé par une protéine G à la phospholipase C. Son activation provoque l’hydrolyse du PIP2 en IP3 et en DAG, ce qui entraîne l’augmentation de la concentration intracellulaire de calcium, responsable de la vasoconstriction (Voir « Récepteurs liés aux protéines G ».).
Le récepteur V2 est couplé par une protéine G à l’adénylcyclase. Son activation provoque une augmentation de l’AMPc qui, par l’intermédiaire de protéines kinases, favorise l’ouverture de pores, aquaporines de type 2 ou AQP2 situés au niveau du tube collecteur. Sous l’influence de la vasopressine les AQP2 migrent du cytoplasme jusque dans la membrane apicale. Dans le diabète insipide d’origine rénale on observe des altérations des AQP2.
- Action antidiurétique (V2):
- L’HAD augmente la perméabilité à l’eau du tube collecteur dans la partie corticale et médullaire du rein. Elle favorise l’incorporation de canaux aqueux ou aquaporines dans la membrane apicale du tube collecteur et favorise leur ouverture, ce qui permet la réabsorption de l’eau.
- Un certain nombre de médicaments modifient l’activité de l’HAD sur le rein :
- Potentialisateurs:
Le chlorpropamide, le paracétamol, la carbamazépine, l’indométhacine, ainsi que d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens, peuvent augmenter l’activité de l’HAD et provoquer une rétention hydrique.
Le chlorpropamide, sulfamide hypoglycémiant, potentialise l’action de concentrations très faibles de vasopressine. Lorsqu’il est utilisé dans le traitement du diabète sucré, le chlorpropamide peut provoquer, comme effet indésirable, un syndrome de sécrétion inapproprié de HAD. Dans le traitement du diabète insipide d’origine hypophysaire, lorsqu’il n’est pas possible d’utiliser les analogues de l’HAD, on a recours habituellement au chlorpropamide, seul ou parfois associé à un diurétique thiazidique. - Antagonistes :
Le lithium, la déméclocycline, le méthoxyflurane diminuent l’activité de l’HAD. La polyurie observée chez certains malades traités par le lithium s’explique par ce mécanisme.
La déméclocycline, est parmi les tétracyclines la seule à avoir un effet antagoniste de l’HAD au niveau du rein. Elle s’oppose à la rétention d’eau provoquée par une sécrétion excessive, souvent d’origine néoplasique, de HAD.Déméclocycline
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- Effet vasoconstricteur (V1):
- A doses plus élevées que celles qui sont nécessaires pour entraîner une rétention d’eau, l’HAD entraîne une vasoconstriction. La concentration plasmatique de vasopressine peut être suffisante pour augmenter les résistances périphériques et la pression artérielle. La diminution du flux sanguin cutané chez le fumeur serait la conséquence de l’augmentation de la sécrétion de vasopressine sous l’influence de la nicotine.
- La mise au point d’antagonistes spécifiques de type V1 permettrait de mieux préciser le rôle de la vasopressine en physiologie et en pathologie, et probablement de trouver des applications thérapeutiques.
- Rôle dans l’hémostase :
- L’hormone antidiurétique a une action agrégante plaquettaire dans les conditions de stress où sa sécrétion est très augmentée.
- Elle a une action favorable dans l’hémophilie et dans la maladie de von Willebrand en augmentant la sécrétion du Facteur VIII et du Facteur von Willebrand. Le produit le plus utilisé dans ce but est la desmopressine qui diminue le temps de saignement.
- Autres effets :
- L’had stimule la sécrétion d’ACTH.
- Des travaux expérimentaux ont montré que l’HAD favorise la mémorisation alors que l’ocytocine aurait une action amnésiante.
- Par ailleurs, la vasopressine en activant des récepteurs présents dans le cerveau intervient dans le comportement sexuel, au moins chez certaines espèces animales.
Analogues structuraux
L’activité vasopressive étant rarement souhaitée, on a synthétisé des analogues de la vasopressine qui ont une forte activité antidiurétique et une faible activité vasopressive, comme le montre le tableau suivant qui compare l’activité antidiurétique de la vasopressine à celle de la desmopressine.
La desmopressine se différencie de la vasopressine, d’une part par la perte de la fonction amine fixée sur la cystéine, ce qui augmente son activité antidiurétique et prolonge son action, et d’autre part par le remplacement de la L-arginine par la D-arginine, ce qui diminue considérablement son affinité pour les récepteurs V1 et son activité vasopressive.
Utilisation
La principale indication des analogues structuraux à effet vaso-constricteur faible ou nul est le traitement du diabète insipide d’origine hypophysaire, c’est-à-dire par insuffisance de la sécrétion hormonale.
Aujourd’hui l’HAD elle-même n’est plus utilisée. L’analogue le plus utilisé est la desmopressine. Etant un polypeptide, elle est mal absorbée par le tube digestif et partiellement détruite par les enzymes du tube digestif. On l’administre par voie endonasale ou injectable et aussi par voie buccale à condition d’augmenter nettement la dose administrée pour compenser sa faible biodisponibilité.
Outre son indication dans le traitement du diabète insipide, la desmopressine est indiquée dans celui de l’énurésie (enfant > 5 ans), de certaines hémorragies par défaut du facteur VIII (hémophilie A) ou du facteur von Willebrand. Elle est utilisée aussi en exploration fonctionnelle pour tester le pouvoir de concentration du rein.
MINIRIN* Sol endonasale MINIRIN SPRAY* |
Lors de son utilisation comme antihémorragique, la desmopressine peut entraîner une rétention hydrique avec hyponatrémie de dilution.
La terlipressine n’est pas utilisée dans le traitement du diabète insipide mais dans celui des hémorragies digestives par rupture des varices sophagiennes en raison de son effet vasoconstricteur au niveau de la circulation portale. Il s’agit d’un traitement symptomatique d’urgence. La terlipressine peut entraîner comme effet indésirable une poussée hypertensive.
La vasopressine s’est montrée, selon des études récentes, aussi efficace que l’adrénaline dans le traitement de l’arrêt cardiaque et de certains chocs avec vasodilatation excessive. Dans ces indications elle peut d’ailleurs être associée à l’adrénaline.
Antagonistes des récepteurs de la vasopressine
Des antagonistes spécifiques des récepteurs de la vasopressine, V1, s’opposant à la vasoconstriction ou V2, s’opposant à l’action antidiurétique, ont des applications thérapeutiques comme vasodilatateurs ou diurétiques aqueux. Pour le moment ce sont les antagonistes spécifiques des récepteurs V2 ou mixtes V1a et V2 qui sont en cours de commercialisation .
Le conivaptan est un antagoniste non peptidique des récepteurs V1a et V2 de la vasopressine. Il est commercialisé aux USA sous le nom de Vaprisol*, ampoules injectables par voie intraveineuse avec l’indication traitement de l’hyponatrémie de dilution au cours du syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique. Il provoque une diurèse aqueuse ou effet aquarétique et l’élimination d’eau augmente la concentration de sodium plasmatique. Le conivaptan est métabolisé par le cytochrome CYP3A4.
D’autres antagonistes non peptidiques des récepteurs de la vasopressine sont encours de développement, leur dénomination commune internationale se termine par « vaptan » ce sont des « vaptans », par exemple tolvaptan, lixivaptan, satavaptan. Leurs indications peuvent s’étendre, en plus de l’hyponatrémie au cours du syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique, à certaines insuffisances cardiaques et certaines cirrhoses.
Remarque :
L’apéline, peptide isolé en 1998, existe sous 3 isoformes de 13, 17 et 36 acides aminés, provenant de la pro-apéline, peptide de 77 acides aminés. L’apéline est présente dans divers tissus, l’hypothalamus, le tube digestif, les adipocytes où sa synthèse est stimulée par l’insuline… Elle agit sur un récepteur lié aux protéines G, appelé APJ. Au niveau de l’hypothalamus elle inhibe la sécrétion de vasopressine et a de ce fait un effet aquarétique. Elle diminue la pression artérielle par libération de monoxyde d’azote, NO, et augmente la force des contractions cardiaques (elle a un effet inotrope positif). Sa concentration est plus élevée dans le plasma des insuffisants cardiaques que celui des témoins sains. Par ailleurs l’apéline interviendrait dans la pénétration du VIH dans les cellules cibles. Des modifications du métabolisme et des effets de l’apéline peuvent conduire à des applications thérapeutiques.