Les trois principaux estrogènes, l’estradiol, l’estriol et l’estrone, sont des dérivés du noyau estrane comportant un cycle aromatique. Ils sont sécrétés essentiellement par les ovaires sous l’effet de la LH.
La structure estrane n’est pas indispensable à l’activité estrogénique car diverses substances ne comportant qu’un noyau phénolique, des dérivés flavone, des pesticides (le DDT ou dichlorodiphényltrichloroéthane) par exemple, peuvent avoir une activité estrogénique, en général après métabolisation.
Métabolisme
Biosynthèse
La biosynthèse des estrogènes s’effectue surtout dans les ovaires mais d’autres organes, tels que le testicule, le tissu adipeux, l’hypothalamus, le cerveau, peuvent aussi les synthétiser.
Les estrogènes, comme tous les stéroïdes, dérivent du cholestérol et de la prégnénolone qui sont transformés en androstènedione et testostérone, précurseurs directs des estrogènes. La principale réaction enzymatique est la transformation de la testostérone et de l’androstènedione en estradiol et estrone sous l’influence d’une aromatase constituée d’un cytochrome P-450 et d’une cytochrome réductase utilisant le NADPH comme réducteur. Cette enzyme est présente dans l’ovaire mais aussi dans le foie, les muscles, les follicules adipeux et certains tissus tumoraux comme les carcinomes mammaires.
Ainsi, avant la ménopause les estrogènes proviennent essentiellement de la sécrétion ovarienne, après la ménopause ils résultent de la transformation des androgènes surrénaliens sous l’influence de l’aromatase des tissus périphériques. Ceci explique qu’une ovariectomie bilatérale ne supprime pas complètement la formation d’estrogènes.
Durant la grossesse, de grandes quantités d’estrogènes sont synthétisées par le placenta et excrétées dans l’urine.
Les estrogènes sont présents également chez l’homme; ils sont sécrétés d’une manière physiologique par le testicule et la glande corticosurrénale et éventuellement formés dans les tissus adipeux.
Distribution
- Dans le sang :
- Chez la femme, la concentration d’estrogènes varie au cours du cycle menstruel avec un pic préovulatoire élevé et un pic postovulatoire plus faible. Dans le sang, les estrogènes de même que la testostérone sont liés à une globuline spécifique et à l’albumine.
- La sécrétion d’estrogènes augmente à la puberté et chute considérablement à la ménopause.
- Dans les tissus :
Catabolisme
Le catabolisme des estrogènes naturels s’effectue essentiellement dans le foie avec élimination des métabolites dans la bile; les estrogènes conjugués sous forme de sulfate s’éliminent principalement dans l’urine.
L’éthinylestradiol est un estrogène de synthèse actif par voie orale, très utilisé parce qu’il est peu métabolisé au niveau hépatique et qu’il a une très longue demi-vie plasmatique.
Effets
Les effets des estrogènes résultent de leur interaction avec des récepteurs nucléaires qui agissent par l’intermédiaire des éléments de réponses estrogéniques, conduisant à des modifications de la transcription de certains gènes et à la synthèse des protéines correspondantes. Ces récepteurs sont présents surtout au niveau des organes sexuels féminins mais aussi au niveau d’autres organes comme l’hypothalamus, l’hypophyse, le foie et l’os. On distingue des récepteurs des estrogènes de type alpha et bêta ayant une distribution tissulaire spécifique.
Outre leurs effets génomiques, les estrogènes, l’estradiol en particulier, ont des effets rapides non génomiques comme la vasodilatation qui s’explique par activation directe des canaux potassiques de la membrane plasmique conduisant à une sortie de potassium et à une relexation de la fibre lisse vasculaire. Une augmentation de la libération de NO par l’estradiol est également possible.
On peut distinguer deux types d’effets, les effets sexuels et les effets métaboliques.
Action sexuelle
- Dans la différenciation sexuelle du foetus : les estrogènes ne jouent pas un rôle physiologique déterminant dans la différenciation du sexe dans le sens féminin. En absence d’ovaires, le foetus prend un phénotype femelle.
- À la puberté : les estrogènes interviennent dans le développement des caractères sexuels primaires et secondaires (utérus, trompe, vagin, glande mammaire, seins) et modifient la morphologie générale avec répartition gynoïde du tissu adipeux et amincissement du derme. Sous l’influence des estrogènes, les petites lèvres se développent et se pigmentent. Lors de la puberté, les estrogènes accélèrent la croissance, leur effet sur la croissance étant probablement potentialisé par les androgènes.
- À l’état adulte, les estrogènes agissent essentiellement sur l’appareil génital.
- Ils empêchent l’involution des caractères sexuels : après une ovariectomie bilatérale, l’atrophie de l’utérus, du vagin et des trompes est prévenue par l’administration d’estrogènes qui tend à rétablir l’intégrité des organes sexuels et leur redonne un aspect normal.
- Sur l’utérus : ils entraînent une multiplication cellulaire intense (mitoses) de l’endomètre dont l’épaisseur augmente, ainsi qu’une prolifération des cellules du myomètre avec augmentation de leur contractilité.
- L’administration d’estrogènes suivie de leur arrêt peut déclencher une menstruation dite « saignement de privation ». Il semble que l’imprégnation hormonale, notamment estrogénique, inhibe l’expression de métalloprotéases, enzymes à zinc, dont une collagénase susceptible d’éliminer la muqueuse utérine. Lorsque l’imprégnation hormonale chute, la collagénase s’exprime et provoque la menstruation.
- Sur le col utérin : ils entraînent la sécrétion d’une glaire cervicale abondante et filante qui est favorable à la pénétration des spermatozoïdes dans l’utérus.
- Sur le vagin : ils maintiennent la trophicité de la muqueuse et son hydratation tandis que les cellules superficielles deviennent éosinophiles et desquament. La réduction des estrogènes après la ménopause entraîne l’atrophie de la muqueuse et son hypovascularisation. L’estriol agirait préférentiellement sur le vagin. Les modifications vaginales sont mesurées chez la rate par le test de la kératinisation ou test Allen et Doisy.
- Sur l’hypophyse : l’estradiol freine la libération de gonadoréline (GnRH) et de FSH et participent à la régulation du cycle hormonal de la femme. Cependant au milieu du cycle, l’estradiol, par effet de rétrocontrôle positif, favorise la sécrétion de LH par l’hypophyse. À la ménopause, lors de la diminution de la sécrétion ovarienne, il y a généralement une hyperstimulation hypophysaire.
- Une autre hormone, l’inhibine, qui est une glycoprotéine sécrétée par les ovaires, le placenta et le testicule, diminue aussi la sécrétion de FSH et, à un moindre degré, de LH.
Effets métaboliques
- Les estrogènes ont une activité anabolisante protéique qui demeure beaucoup plus faible que celle des androgènes, mais qui n’est cependant pas négligeable. L’association d’estrogènes avec de très faibles doses d’androgènes favoriserait la croissance. Mais ils accélèrent la soudure des cartilages de conjugaison et peuvent réduire la taille définitive ; ils sont utilisés à forte dose pour freiner la croissance de jeunes filles dont la taille risque d’être excessive.
- Ils s’opposent au développement de l’ostéoporose et c’est une des raisons de leur prescription après la ménopause.
- On considère que chez la femme avant la ménopause ils réduisent la fréquence des accidents cardiovasculaires, coronaropathies et infarctus du myocarde. Cet effet bénéfique s’expliquerait par une diminution des lipoprotéines LDL et une augmentation des HDL mais aussi par une vasodilatation, notamment par ouverture des canaux potassiques.
- Ils modifient la concentration sérique de certains facteurs de la coagulation : ils diminuent celle du fibrinogène, facteur procoagulant, mais aussi celle de l’anti-thrombine et de la protéine S, facteurs anticoagulants.
Utilisation
Indications
Les estrogènes, en particulier l’ estradiol, sont utilisés pour traiter les déficiences (absence ou insuffisance) de sécrétion ovarienne à l’adolescence ou à l’âge adulte et à la ménopause et après la ménopause pour tenter de réduire les conséquences du déclin physiologique de leur sécrétion.
A la ménopause ils réduisent les troubles du climatère, notamment les troubles vasomoteurs. Après la ménopause, l’estradiol est prescrit pour tenter de réduire la progression de l’ostéoporose.
On admet que les estrogènes utilisés seuls d’une manière prolongée augmentent le risque de cancer de l’endomètre mais ne l’augmentent pas lorsqu’un progestatif leur est associé d’une manière continue ou discontinue. Ceci fait que les estrogènes sont rarement utilisés seuls et il est difficile d’attribuer les effets bénéfiques ou indésirables à l’estrogène ou au progestatif.
L’estradiol existe sous formes orales, transcutanées à application quotidienne ou hebdomadaire.
Des estrogènes sulfoconjugués d’origine équine ont été utilisés par voie buccale dans le traitement des carences estrogéniques, surtout celles de la ménopause. La spécialité prémarin* contient une dizaine d’estrogènes biologiquement actifs mais ses avantages sur l’estradiol n’ont jamais été démontrés; elle n’est plus commercialisée en France.
L’éthinylestradiol peut être utilisé pour traiter une déficience estrogénique, mais il est surtout l’estrogène de synthèse associé aux progestatifs dans la plupart des contraceptifs oraux. Sa demi-vie d’élimination est longue, de l’ordre de 15 à 25 jours. Il peut être utilisé dans le blocage de la lactation, mais en France on préfère habituellement, dans cette indication, la bromocriptine.
L’estriol, l’hydroxyestrone et le promestriène ont un pouvoir estrogénique plus faible que celui de l’estradiol mais une spécificité d’action vaginale prédominante, en particulier lorsqu’ils sont appliqués localement. Ils sont utilisés pour leur effet trophique vaginal.
Certains estrogènes de synthèse, comme le diéthylstilbestrol et le fosfestrol, sont utilisés uniquement dans le traitement du cancer de la prostate avec ou sans métastases. Le diéhylstilbestrol est l’exemple même du médicament à éviter chez la femme enceinte, voir Effets indésirables et Pharmacovigilance.
Le fosfestrol est une molécule de diéthylstilbestrol bi-estérifiée par l’acide phosphorique qui, au niveau de la prostate, est hydrolysé par les phosphatases acides en dérivé actif comportant deux groupes OH libres. Il a été commercialisé sous le nom de ST-52.
Effets indésirables
Les estrogènes peuvent donner des troubles généraux : céphalées, tension mammaire, irritabilité, saignements intermenstruels etc.
L’administration d’un estrogène est considérée comme susceptible d’augmenter la fréquence des accidents thrombotiques, surtout lorsque les personnes traitées présentent des facteurs prédisposants (hyperlipidémie, tabac…), ce qui a conduit à établir pour chacun d’eux une longue liste de précautions d’emploi. On admet cependant que les estrogènes endogènes, avant la ménopause, protègent la femme contre les accidents cardiovasculaires. Cette discordance peut s’expliquer par des différences selon l’estrogène utilisé, selon sa posologie et selon sa voie d’administration :
- l’estradiol, estrogène naturel, serait, aux doses utilisées, mieux toléré que l’éthinylestradiol, estrogène de synthèse, utilisé en association contraceptive, surtout lorsqu’il est utilisé à dose élevée, 50 mg/jour.
- la voie d’administration jouerait un rôle : la prise d’un estrogène par voie buccale entraîne, lors de son premier passage hépatique, une forte stimulation de la synthèse d’angiotensinogène, de facteurs procoagulants, de lipides à effet athérogène. La prise d’estrogène, en particulier d’estradiol, par voie transdermique qui évite le premier passage hépatique, serait mieux tolérée.
L’augmentation du risque d’accidents trombo-emboliques serait donc surtout liée à la prise par voie buccale d’un estrogène de synthèse à dose élevée (l’éthinylestradiol utilisé au long cours chez la femme et le diéthylstilbestrol utilisé dans le traitement du cancer de la prostate).
Les estrogènes, et plus particulièrement les estrogènes artificiels, ne doivent pas être administrés à la femme enceinte (Voir « Grossesse ».).