Qu’il faille connaître précisément le chiffre de morts entraînés par la canicule est évident. L’importance de ce chiffre montre les dangers de la canicule mais n’apporte rien d’autre dans la mesure où la canicule elle-même était inévitable.
L’implication des médicaments dans cette mortalité a été évoquée mais elle doit être étudiée selon une méthodologie rigoureuse prenant aussi en compte des paramètres non médicamenteux.
La seule question qui compte véritablement est de savoir combien de morts auraient pu être évité si des mesures particulières avaient été prises. Mais quelles mesures ? On dit qu’il fallait agir vite mais comment, en faisant quoi ? A la prochaine canicule que devrait-on faire ?
Les réponses, sans doute imparfaites, à ces questions ne peuvent venir que d’une ou mieux de 2 ou 3 études indépendantes, systématiques et comparatives des personnes décédées d’hyperthermie et de celles qui ont survécu dans les mêmes conditions, études prenant en compte les malades, leur environnement, leurs traitements, les soins… pour tenter d’identifier et d’évaluer les facteurs de risque:
- la prise ou non de précautions dites de bon sens, à domicile ou dans les maisons de retraite (arrêt de la pénétration des rayons de soleil, aération, ventilation, boissons, douches etc. mais pas nécessairement faciles à mettre en œuvre ) dont l’importance n’a pas été suffisamment soulignée par le système d’éducation sanitaire au début de l’été ;
- le rôle de la climatisation totale ou partielle des lieux d’habitation qui, en principe, supprime ou atténue la canicule (sans juger de l’utilité ou des inconvénients ou du coût de la climatisation dans les conditions climatiques habituelles) et peut-être aussi les raisons pour lesquelles dans certaines régions, en dépit de conditions climatiques apparemment semblables à la même période, la mortalité a été bien moindre ;
- la qualité des soins médicaux: à domicile, dans les maisons de retraites, les hôpitaux, lors des transferts. Il serait bon de savoir si les urgences, certes débordées, ont été à l’origine de morts du fait, notamment, de leur manque de moyens ? Il serait également bon de connaître le devenir des personnes passées aux urgences et non décédées ;
- la prise de certains médicaments qui a peut-être aggravé la situation ? L’élimination des médicaments a-t-elle été ralentie par la déshydratation, la déshydratation a-t-elle été aggravée par certains médicaments, comme les diurétiques, l’hyperthermie a-t-elle été favorisée par des médicaments qui, par eux-mêmes, peuvent être à l’origine d’hyperthermie, notamment les neuroleptiques (syndrome malin des neuroleptiques qui comporte une hyperthermie et d’autres manifestations), ou qui réduisent la déperdition de chaleur comme les atropiniques ;
Seules des études menées selon une méthodologie rigoureuse peuvent apporter des réponses à ces interrogations. Leurs résultats devraient être publiés dans une ou plusieurs revues médicales internationales pour qu’ils soient "validés" par un comité de lecture et ensuite rendus accessibles à tout le monde.
Les conséquences de la canicule ont été considérées comme une catastrophe sanitaire. La France doit être en mesure d’en tirer des conclusions étayées. Les rapports, semi-confidentiels et sans intérêt parce que de qualité scientifique insuffisante, destinés au ministère ou à une commission parlementaire ou à une mission d’information, ne remplacent pas des articles scientifiques rigoureux et publiés dans des délais relativement courts par des revues internationales, comme cela s’est passé récemment dans le cas du SRAS
Même si le SRAS ou SARS (qui a fait, sauf erreur, moins de 1000 morts) et les conséquences de la canicule présentent de nombreuses différences, je tiens à rappeler que les résultats des études concernant le SRAS, qui n’étaient pas si simples que cela, ont été publiés presque parallèlement à l’évolution de la maladie par, notamment, deux grandes revues internationales le "New England Journal of Medicine" et le "Lancet ". Mais il y avait pour le SRAS compétition entre les équipes pour obtenir des résultats et entre les revues pour les publier, au plus vite. Voir SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère ou SARS et ribavirine.
En ce qui concerne les médicaments, s’il apparaît au terme d’études rigoureusement menées que certains d’entre eux ont aggravé les dangers de la canicule, il sera nécessaire d’indiquer dans leurs RCP des précautions d’emploi conduisant à une surveillance accrue et peut-être à une réduction de leur posologie, voire à un arrêt transitoire de leur prise en cas de canicule.