Le Ministère de la Santé a une activité émaillée de crises d’agitation aiguë lorsqu’un problème, qui le plus souvent couve depuis plusieurs années, fait ou refait irruption dans les media. Le Ministère s’alarme et trouve très vite les coupables, c’est d’ailleurs relativement facile puisque ce sont toujours les mêmes, les médecins qui, aliénés par leurs conflits d’intérêt, prescrivent mal et hors AMM, en ne respectant pas les données des RCP. Le Ministère, lui, ne met jamais en cause ses propres erreurs et incohérences, qu’il serait possible de réduire considérablement par des actions politiques concrètes, comme la réduction de l’octroi des AMM et la mise à jour des RCP.
Certains livres ainsi que la Revue Prescrire demandent le retrait du commerce d’un certain nombre de spécialités pharmaceutiques, certaines anciennes mais d’autres très récentes (AMM de ces dernières années). Un nettoyage serait bienvenu et aiderait à clarifier les choses mais il serait insuffisant car il ne supprimerait pas la cause principale du désordre qui est l’introduction incessante sur le marché de produits médiocres qui pour plus de 95 % d’entre eux n’apportent rien comme en témoigne l’ASMR qui leur est attribuée. L’industrie pharmaceutique a le plus grand mal à trouver des médicaments apportant un progrès thérapeutique véritable mais elle a la capacité de produire une infinité de molécules sans intérêt qui, moyennant un dossier bien ficelé, une rigueur de façade répondant à toutes les subtilités du cérémonial, obtiennent l’AMM.
Restreindre drastiquement l’octroi d’AMM et freiner ainsi l’arrivée sur le marché de spécialités pharmaceutiques inutiles est une nécessité. Il faudrait que la sortie d’un nouveau médicament devienne un évènement marquant porteur d’un espoir de progrès thérapeutique et non une banalité quotidienne. Cette rigueur permettrait à l’industrie pharmaceutique de cesser de gaspiller de l’argent en menant des études pour promouvoir des molécules qu’elle sait sans intérêt et permettrait aux médecins d’y voir un peu plus clair, en n’étant pas submergés par la surabondance des nouveautés.
Je sais qu’une telle réforme des AMM est difficile à obtenir car elle se heurtera à la règlementation générale en matière de médicaments, règlementation qui a été établie par l’industrie pharmaceutique elle-même, de connivence avec les autorités politiques au plus haut niveau, à l’échelle nationale, européenne et internationale. Les politiques qui ont accepté la règlementation et les usages en matière de médicaments avaient-ils des conflits d’intérêt ou étaient-ils simplement imprévoyants?
Obtenir un document de référence unique rassemblant les RCP de tous les médicaments commercialisés en France est une nécessité. Le répertoire actuel de l’ANSM est incomplet, on ne peut donc pas s’y fier, et chaque RCP n’est pas nécessairement à jour (voir ce texte et celui-ci et cet autre). Le RCP élaboré lors de l’AMM devrait éviter les ambiguïtés dans les indications, (c’était le cas du Mediator et de Diane 35), éviter l’accumulation de détails inutiles qui masquent l’essentiel, concernant notamment l’efficacité, et comporter des éléments de comparaison avec d’autres médicaments (appréciation type ASMR). Les études citées dans les RCP doivent être accessibles par un lien informatique vers l’abstract de la publication référencée. Le RCP devrait aussi donner le prix des spécialités, comme le fait le Dictionnaire Vidal.
Les mises à jour ultérieures des RCP doivent être introduites dès quelles sont décidées sous forme d’additifs datés avec un lien informatique vers les motifs de la décision. La refonte globale du RCP telle qu’elle est pratiquée dilue les changements et les rend imperceptibles, mais permet à l’administration et aux laboratoires pharmaceutiques de se couvrir en cas de contestation tout en sachant que les médecins ignoreront ces changements. De plus l’établissement d’une liste des additifs introduits permettrait aux médecins de se tenir facilement à jour des modifications apportées. Au total, le RCP devrait devenir un outil d’information et de formation aidant les médecins à mieux prescrire et non un moyen de protéger les autorités politiques et les laboratoires pharmaceutiques.
La puissance de l’informatique doit être utilisée pour rassembler les données et non pour les éparpiller à travers une multitude d’interventions disparates. A ce titre, l’idée qui a été avancée de créer un répertoire des médicaments réévalués, comme si tous ne devraient pas l’être, est tout simplement une aberration.
Après chaque crise d’agitation aiguë le Ministère de la Santé se réforme en multipliant les « commissions », les « comités », les « groupes de travail », les « groupes d’interfaces » ou en leur changeant de noms, et en reprenant la rengaine des conflits d’intérêt ou de la transparence, et non en prenant des décisions politiques concrètes simples, comme freiner la commercialisation de nouveaux médicaments sans intérêt et mettre à la disposition de tous un répertoire avec des RCP de qualité.
Je sais que je ne serai pas entendu du Ministère de la Santé retranché derrière les murs de son usine à gaz mais je continue, en tant que citoyen, à dire et à redire ce que je crois juste. Le Ministère de la Santé est le principal responsable du mésusage des médicaments.
Bonjour,
Tout à fait d’accord sur la refonte du RCP. J’avais moi-même prôné depuis plusieurs années la refonte des rubriques Indication / non indication AMM / post AMM, intégrant l’évaluation comparative des médicaments (ASMR notamment) … : Les 3 premières lignes de l’index thématique : http://www.optimiz-sih-circ-med.fr/Pages/INDEX.aspx renvoient sur des idées qui convergent avec les votre et devraient vous ravir…
Oui, ça réconforte de trouver des avis qui vont dans le même sens, mais les TrèsTrès Hautes Autorités, TTHAS, culminent dans un autre monde et ne nous entendent pas…
Pierre Allain