Quand l’Etat dissimule les informations concernant les médicaments

L’Etat français ne met pas à la disposition des médecins ni du public le RCP, Résumé des Caractéristiques du Produit, appelé aussi Mentions Légales, ni la Notice, d’un grand nombre de spécialités pharmaceutiques, même celles qui nécessitent beaucoup de précautions d’emploi. Dans le Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques à Documents de référence disponibles, on trouve très souvent [Aucun]. Voir plus loin des exemples de médicaments pris au hasard, sans RCP, ni Notice. 

Il n’y a aucun document de référence officiel, fiable, à jour, facilement consultable, gratuit, donnant le RCP des spécialités pharmaceutiques commercialisées en France.

Il est pourtant indispensable, plus particulièrement du fait du foisonnement actuel des spécialités pharmaceutiques souvent sans bénéfice clair mais pas sans inconvénient, d’avoir un document de référence officiel comportant les RCP, tenus à jour avec les éventuelles modifications, additifs ou suppressions,  précisément datées.

Un médecin, à qui on reprocherait la prescription inappropriée ou hors AMM d’une spécialité pharmaceutique, peut se retourner contre l’État pour dissimulation d’informations. S’il ne s’agit pas d’une dissimulation, il s’agit d’une négligence incompréhensible dans la mesure où les documents existent puisqu’ils sont établis lors de l’AMM et que leur mise en ligne ne pose aucune difficulté technique. Dans l’état actuel des choses aucune sanction, venant de l’Assurance Maladie ou  du Conseil de l’Ordre des Médecins,  pour prescription hors AMM par exemple, ne devrait être possible faute de document de référence officiel opposable.

Un député, qui ne serait pas trop submergé par les divertissements de la vie politique qui sont nombreux, pourrait demander à Madame la Ministre de la Santé si oui ou non l’État français mettra à la disposition des médecins et du public une information officielle correcte sur les médicaments. Que l’Etat ne soit pas capable de copier des documents et de les coller dans un répertoire laisse pantois… à moins qu’il s’agisse d’une attitude délibérée.

Ce texte va passer inaperçu, comme celui que j’ai écrit l’an dernier, Prescrire hors AMM, mais peut-être que, dans certaines affaires, des avocats pourront s’y référer pour mettre en cause les manquements de l’Etat.

Voici, à la date du 21 décembre 2012, plus d’une douzaine d’exemples de médicaments pris au hasard, sans RCP, ni Notice :

Eliquis*, Comprimés à 2,5 mg, apixaban.

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Xarelto*, comprimés à 10, 15 et 20 mg, rivaroxaban

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Champix*, comprimés à 0,5 et 1 mg, varénicline

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Tasigna*, gélules à 150 et 250 mg, nilotinib

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Zyprexa*, plusieurs présentations, olanzapine

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Remicade*, poudre pour solution injectable, infliximab

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Zeffix*, comprimés et solution buvable, lamivudine

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Levitra*, comprimés, Vardénafil

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Forsteo*, solution injectable, teriparatide

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Mimpara*, comprimés, cinacalcet

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Tot’héma*, ampoules buvables, fer manganèse, cuivre

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Zymaduo*, gouttes, cholécalciférol et fluor

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Pradaxa*, gélule, dabigatran

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Phosphore Alko*, comprimé effervescent

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

Firmagon*, injectable, dégarélix

Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques, Documents de référence disponibles : [Aucun]

6 commentaires on “Quand l’Etat dissimule les informations concernant les médicaments

  1. Bonjour,

    Je viens de m’inscrire sur ce forum pour répondre à l’article « Quand l’Etat dissimule les informations concernant les médicament » que je trouve incomplet.
    Si sur le site de l’ANSM on ne trouve pas tous les documents de référence directement cela s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord certain médicaments (les plus récents pour la plupart) possèdent une AMM européenne sous forme de procédure centralisé. Cela veut dire que l’ANSM n’évalue pas directement ces médicament mais seulement l’EMA. C’est donc la responsabilité de l’EMA de fournir ces documents de référence. Pour autant je veux bien comprendre que cela ne supprime pas totalement la responsabilité française. C’est pourquoi dans ces cas l’ANSM renvoie vers le site de l’EMA. L’info peut donc être obtenue à partir du site de l’ANSM (et en français bien sûr).

    De plus il existe plusieurs autres sources (gratuites ou payante) regroupant ces informations. Je parle ici de sources dont le contenu est validé par l’ANSM (ex : vidal, thériaque ou autre). Il existe environ un temps de latence d’environ 3 mois entre une modification officielle (ANSM ou EMA) et son apparition sur ce genre de site.

    Les conseils juridiques provenant de la première analyse ne peuvent être donnés de façon si affirmée.
    « Dans l’état actuel des choses aucune sanction, venant de l’Assurance Maladie ou du Conseil de l’Ordre des Médecins, pour prescription hors AMM par exemple, ne devrait être possible faute de document de référence officiel opposable. »
    Chaque médecin a aussi sa propre responsabilité de savoir ce qu’il prescrit et dans quelle condition. Il se doit donc d’obtenir les moyens lui apportant les informations de références, même si pour cela il doit débourser quelques euros. D’ailleurs combien de médecin ne possèdent pas la « bible rouge » près d’eux?

    Après lecture de cet article une seule question me viens à l’esprit : Pourquoi donc écrire un article aussi tranché, à part pour polémiquer?

    Cordialement
    Heddy Bouron Cardey

    • Je vous remercie pour vos commentaires et je voudrais y apporter quelques compléments d’information.

      Je concède qu’on arrive à trouver en regardant ici et là et par divers recoupements, les RCP de la quasi-totalité des médicaments, mais je maintiens qu’il n’y a aucun document de référence officiel, fiable, à jour, facilement consultable, gratuit, donnant le RCP de toutes les spécialités pharmaceutiques commercialisées en France.

      Concernant l’EMA, la plupart des médicaments commercialisés en France n’y figurent pas, on y trouve les RCP de spécialités pharmaceutiques issues d’une « procédure centralisée », critère qui concerne l’industrie pharmaceutique et les administrations mais nullement les médecins et les malades. De plus l’EMA n’indique pas si ces spécialités sont ou non commercialisées en France. Quoiqu’il en soit, que des RCP existent sur le site de l’EMA et pas sur celui de l’ANSM est consternant, l’Etat français n’est pas capable de les transférer sur son « Répertoire ».

      Concernant les autres sources d’informations, en particulier le Dictionnaire Vidal que vous appelez la « bible rouge », certains médicaments n’y sont pas mentionnés (lorsque le laboratoire pharmaceutique n’a pas demandé son introduction et payé la contribution correspondante) et surtout l’accès gratuit à la version papier ou informatique n’est accordée qu’à certaines personnes, essentiellement les médecins généralistes, et ceci à la discrétion de la direction Vidal. Les qualités du Dictionnaire Vidal sont incontestables et la preuve que je l’apprécie est que depuis plus de 40 ans je l’achète tous les ans, sans manquer une seule édition : pendant ma carrière professionnelle, ne pouvant l’obtenir gratuitement (et c’était le cas de la plupart de mes collègues) je l’ai fait acheter sur des crédits hospitaliers et parfois universitaires ; depuis que je suis à la retraite, je l’achète à un tarif préférentiel réservé aux médecins retraités, tarif qui cette année est de 137, 25 euros au lieu de 179,50, prix public, sans que cet abonnement donne accès à la version informatique. Le Dictionnaire Vidal est une entreprise privée (qui ne manque cependant pas de liens avec des responsables ou d’anciens responsables du Ministère de la Santé) et est libre du choix de sa politique commerciale.

      Concernant votre suggestion indiquant que le médecin doit débourser quelques euros pour se tenir informé, oui cela va de soi, mais pas pour obtenir les RCP des médicaments, ceux-ci doivent être mis gratuitement à la disposition de tous à partir d’un site officiel, de référence. Lorsque seulement des versions papier existaient, l’Etat n’a pas actualisé les données sur les médicaments, et c’est le Dictionnaire Vidal qui le faisait, mais aujourd’hui − et ceci depuis plus d’une dizaine d’années − il est facilement possible de mettre ces données sur un site officiel et de les adapter instantanément si besoin, sans pour autant chercher à remplacer le Dictionnaire Vidal.

      Enfin « pour polémiquer », oui je polémique et je répète depuis des années qu’il est regrettable que l’Etat français ne mette pas à la disposition de tous, alors qu’aucun obstacle technique ne s’y oppose, les RCP de toutes les spécialités pharmaceutiques commercialisées en France.

      J’ajoute que lorsque des modifications de fond du RCP établi lors de l’AMM sont nécessaires, celles-ci devraient être signalées par un additif daté car une mise à jour globale dilue les changements et les rend imperceptibles, un additif daté mettrait en exergue la modification et préciserait le moment où elle a été introduite. La technique du remodelage global permet à l’administration de se « couvrir » mais n’aide guère le médecin à se tenir au courant des changements. C’est ce qui s’est passé pour le Médiator, voir ce texte.

      Merci pour votre intervention, les controverses sont utiles, elles permettent de voir les choses sous différents angles.

      Bien à vous.

      Docteur Pierre Allain

      • oui, cette proposition d’additifs datés me paraît excellente. j’ai noté souvent des modifications dans nombre de gammes ou de produits sans qu’il soit très clair qu’il y a eu une modification. tout cela gagnerait en clarté

  2. Je trouve cette intervention assez malhonnête. Racoleuse de surcroit, rapport au titre digne des plus belles parutions paranoïdo-complotistes.

    Que l’on ne trouve pas ces informations sur le site de l’ANSM n’est pas une volonté de cacher quoi que ce soit, c’est juste la preuve que le site de l’ANSM est tout simplement nul! Et l’agence, pas au niveau!

    Je l’ai déjà dit mais toutes ces informations sont disponibles sur le site de l’EMA (agence européenne), en libre accès et pour tout public.

    Exemple: la première spécialisté citée « Eliquis », allez sur le site de l’EMA, http://www.ema.europa.eu/ema/ et tappez « Eliquis » dans le moteur de recherche, vous tomberez sur cette page :

    http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/medicines/human/medicines/002148/human_med_001449.jsp&mid=WC0b01ac058001d124 et vous trouverez toutes les informations que vous voulez et ce, dans plus d’une dizaine de langues!

    L’information est bien disponible, encore faut-il savoir chercher. Votre phrase Il n’y a aucun document de référence officiel, fiable, à jour, facilement consultable, gratuit, donnant le RCP des spécialités pharmaceutiques commercialisées en France est donc tout simplement fausse.

    Quant au pauvre médecin ne trouvant pas l’info, ne me faites pas rire.
    Tous les médecins ont de disponible un exemplaire du Vidal. On n’y trouvera pas les RCP des spécialités sorties le plus récemment mais celui du « Champix », « Zyprexa » que vous citez figurent dans l’édition 2010. Des versions électroniques mises régulièrement à jour existent également.

    C’est aussi le travail du médecin que de se tenir au courant des l’évolution des traitements, s’il doit pour cela souscrire un abonnement à la version en ligne du Vidal et bien qu’il le déclare en frais professionnels.
    L’accès au Vidal en ligne, gratuit à travers les portails tels qu’Univadis est aussi possible.

    Je vous ai connu plus inspiré….

    • Voir la réponse faite à un commentaire précédent.

      J’ajoute que lorsque des modifications de fond du RCP établi lors de l’AMM sont nécessaires, celles-ci devraient être signalées par un additif daté car une mise à jour globale dilue les changements et les rend imperceptibles, un additif daté mettrait en exergue la modification et préciserait le moment où elle a été introduite. La technique du remodelage global permet à l’administration de se « couvrir » mais n’aide guère le médecin à se tenir au courant des changements. C’est ce qui s’est passé pour le Médiator, voir les autres articles sur ce sujet.

  3. J’ajoute que votre suggestion de passer par Univadis pour obtenir un RCP,  » L’accès au Vidal en ligne, gratuit à travers les portails tels qu’Univadis est aussi possible », est intéressante et peut convenir à beaucoup. Mais je tiens à préciser que Univadis est un service du Laboratoire pharmaceutique MSD. Le fait qu’il faille s’inscrire à un site de l’industrie pharmaceutique pour avoir accès à un autre site privé, celui du Vidal, pour obtenir un RCP, document de référence de la République Française, soulève quelques réticences. Certains préféreraient que l’Etat mette à la disposition de tous un Répertoire complet, à jour, de tous les médicaments commercialisés en France, avec leur RCP, d’autant plus que cela ne présente aucune difficulté technique.

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