Les analogues des bases pyrimidiniques utilisés comme antinéoplasiques sont le 5-fluoro-uracile, la cytarabine et la gemcitabine. Les analogues des bases puriques à propriétés antinéoplasiques et immunosuppressives sont la 6-mercaptopurine, l’azathioprine, la pentostatine et la cladribine.
Fluoro-uracile ou 5-FU
L’atome de fluor, qui dans le 5-FU remplace un atome d’hydrogène sur le noyau pyrimidine, a un volume voisin de celui de l’hydrogène, mais une réactivité chimique très différente, ce qui entraîne des perturbations métaboliques dans la biosynthèse du DNA et du RNA.
Le 5-FU est transformé en métabolites actifs qui s’incorporent dans la biosynthèse des acides nucléiques et la perturbent. Il est métabolisé notamment :
- en 5-fluorodéoxyuridine monophosphate, 5-FdUMP, qui, en formant un complexe ternaire avec la N-méthylène-tétrahydrofolate (acide folinique) et la thymidylate synthase, bloque la synthèse de thymidine et par là-même la synthèse de DNA, ce qui freine la croissance cellulaire. La formation de ce complexe ternaire 5-FdUMP-acide folinique-enzyme explique que l’association d’acide folinique au 5-FU potentialise l’inhibition de la thymidylate synthase par ce dernier.
- en FU-monophosphate, FUMP, puis en FU-triphosphate, FUTP, qui, incorporé à la place de l’uracile dans l’ARN, provoque des erreurs de lecture du code génétique.
- en métabolite inactif par la dihydropyrimidine déhydrogénase. Chez les individus présentant une déficience en cette enzyme l’efficacité mais aussi la toxicité du 5-FU est très augmentée et sa posologie doit être réduite.
Sur plan pharmacocinétique, le 5-FU s’administre par voie intraveineuse, a une demi-vie plasmatique très courte, environ 6 minutes, est capté préférentiellement par les tissus à croissance et à renouvellement rapides : cellules tumorales, moelle osseuse, muqueuse intestinale. Le 5-FU passe assez bien dans le liquide céphalorachidien. Le 5-FU et ses métabolites sont éliminés dans les urines et, après dégradation, par voie respiratoire sous forme de CO2.
Les principales indications du 5-FU sont les tumeurs du tube digestif, du sein, de l’ovaire et leurs métastases, ainsi que les carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures où il est associé à d’autres antinéoplasiques.
La forme crème est utilisée dans le traitement des kératoses séniles, épithélioma basocellulaires superficiels.
Ses effets indésirables sont communs à la plupart des antinéoplasiques :
- Troubles digestifs : stomatite, diarrhée
- Troubles de l’hématopoïèse : granulopénie, thrombopénie
- Troubles cutanéo-muqueux : alopécie, dermatite.
La 5-fluorodéoxyuridine est également utilisée en thérapeutique mais n’est pas commercialisée en France.
Capécitabine
La capécitabine est une prodrogue qui après administration par voie buccale est métabolisée en 5-fluoro-uracile.
La capécitabine est hydrolysée par la carboxylestérase hépatique en 5′-DFCR (5′-déoxy-5-fluorocytidine) ensuite en 5’DFUR (5′-déoxy-5-fluorocytidine) par la cytidine déaminase et enfin en 5-FU (5-fluoro-uracile) par la pyrimidine nucléoside phosphorylase, enzyme présente essentiellement dans les tumeurs.
La capécitabine est indiquée dans le traitement du cancer colorectal métastatique et du cancer du sein localement avancé ou métastatique.
Capécitabine |
XELODA Cp à 150 et 500 mg |
Tégafur-uracile
Le tégafur-uracile est une association du tégafur, prodrogue du 5-FU et de l’uracile, inhibiteur dela dihydropyrimidine déhydrogénase, enzyme intervenant dans l’inactivation du 5-FU.Le tegafur-uracile est utilisé, en association avec l’acide folinique, dans le traitement du cancer colorectal métastatique.
Tégafur, uracile |
UFT* Gélule |
Le schéma ci-dessous donne une vue d’ensemble du métabolisme et des effets du 5-FU, de la capécitabine et du tégafur-uracile.
- La flucytosine ou 5-fluorocytosine est le seul analogue structural des bases pyrimidiniques utilisé, généralement en association, dans le traitement des candidoses graves, des cryptococcoses, des chromomycoses, de certaines aspergilloses.
- La 5-fluorocytosine est active sur les germes qui possèdent l’équipement enzymatique, la cytosine déaminase, susceptible de la transformer en 5-fluoro-uracile qui est le métabolite actif.
- En principe les cellules humaines n’ont pas cette possibilité mais la prescription de flucytosine nécessite une surveillance hématologique. En effet, lors de son utilisation, on observe des troubles hématologiques, généralement modérés sauf en cas de traitement immunodépresseur associé, ainsi que des troubles digestifs.
- La 5-fluorocytosine est active sur les germes qui possèdent l’équipement enzymatique, la cytosine déaminase, susceptible de la transformer en 5-fluoro-uracile qui est le métabolite actif.
Cytarabine
La cytarabine, ou cytosine arabinoside ou Ara-C, est l’analogue structural de la déoxycytidine.
La modification structurale de l’Ara-C par rapport aux produits physiologiques ne se situe pas sur la base pyrimidique mais sur le ribose. Dans le ribose normal, les deux groupes OH sont en position cis, alors que dans l’Ara-C, ils sont en position trans, ce qui gène la rotation du noyau ribose par rapport à la cytosine. L’incorporation de l’Ara-C dans le DNA, après sa phosphorylation en dérivés mono, di et triphosphates, Ara-CMP, Ara-CDP et Ara-CTP, perturbe la structure dimensionnelle et le fonctionnement du DNA.
La cytarabine est l’antimétabolite le plus utilisé dans le traitement des leucémies aiguës myéloïdes et lymphoblastiques.
La résistance à la cytarabine peut, entre autres possibilités, provenir de l’insuffisance de sa transformation en cytarabine triphosphate, métabolite actif.
A la toxicité habituelle des antinéoplasiques, atteintes hématologiques et digestives, il faut ajouter des troubles cérébelleux, nystagmus, dysarthrie et ataxie, qui se manifestent surtout à fortes doses. La cytarabine et le 5-fluoro-uracile sont contre-indiqués en cas de grossesse ou d’allaitement.
Azacitidine
L’azacitidine est un antimétabolite ayant des propriétés proches de celles de la cytarabine. Elle est utilisée dans le traitement des syndromes myélodysplasiques. Elle est commercialisé aux USA sous le nom de Vidaza*.
Décitabine
La décitabine est une molécule chimiquement très proche de l’azacitidine ; elle est commercialisée aux USA sous le nom de DACOGEN*.
Ces deux médicaments sont aussi classés comme inhibiteurs de la DNA méthyl transférase.
Gemcitabine
La gemcitabine ou 2,2′-diflurodéoxycytidine est un analogue des bases pyrimidiniques où deux atomes de fluor ont remplacé deux atomes d’hydrogène du déoxyribose. Comme les molécules du même type, la gemcitabine s’incorpore dans le métabolisme des bases pyrimidiniques et est métabolisé en dérivés mono, di et triphosphates qui perturbent, par divers mécanismes, la synthèse de DNA.
La gemcitabine est utilisée dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules, localement avancé ou métastatique et d’autres cancers : adénocarcinome du pancréas, cancer de la vessie et cancer du sein métastatique.
Ses effets indésirables sont hématologiques, gastro-intestinaux, pulmonaires (fibrose pulmonaire), rénaux (protéinurie, hématurie).