Les lecteurs de Pharmacorama trouveront peut-être que je me répète mais il y a des choses que je tiens à dire et à redire.
Je salue tout d’abord l’excellent rapport de l’IGAS « Enquête sur le Médiator ». Ce rapport montre la désinformation mise en avant pendant 35 ans par le laboratoire Servier pour défendre le Médiator et les défaillances si répétées au sein du Ministère de la Santé que l’on a du mal à croire que toutes aient pu être fortuites.
Le Laboratoire Servier n’a pu imposer le Médiator qu’avec la complicité active du Ministère de la Santé qui a autorisé sa commercialisation avec des indications farfelues et a accordé et maintenu son remboursement à un taux élevé.
La Caisse Nationale d’Assurance Maladie, CNAM, va, semble t-il, poursuivre le Laboratoire Servier en justice pour «escroquerie et tromperie aggravée ». Si tromperie il y a, l’Assurance Maladie aurait pu s’en apercevoir plus tôt et réagir en conséquence en ne remboursant pas ou en dé-remboursant le Médiator. Qu’elle se soit laissée berner par le Laboratoire Servier pendant près de 35 ans, laisse supposer pour le moins une certaine inattention. En tous cas si le Médiator n’avait pas été remboursé, il n’aurait pas fait une si belle carrière
Quant aux médecins insuffisamment formés en matière de médicaments qui ont prescrit le Médiator, ils ont subi la pression du Laboratoire, ont été rassurés par l’AMM et le remboursement et induits en erreur par une indication dont l’énoncé a été volontairement rendu ambigu.
Après l’enquête de l’IGAS, la mission parlementaire et la mission sénatoriale (qui envisagerait plusieurs déplacements à l’étranger, les voyages forment la jeunesse !) devraient confirmer si oui ou non le Ministère de la Santé a correctement joué son rôle de protection de la santé, de barrière contre les pressions parfois démesurées de l’industrie pharmaceutique… qui ne disparaitront pas avec le Médiator.
Enfin, il est essentiel que cette affaire du Médiator, soulevée par les auteurs brestois, soit le point de départ d’études sur le thème « médicaments et valvulopathies », études fondées sur les critères les plus rigoureux et menées rapidement car il s’agit d’un travail rétrospectif à partir des données existantes, avec publication dans des revues internationales et non sous forme de rapports à l’intention de telle ou telle autorité politique. De telles études sont nécessaires pour clarifier les choses. Mais il est à craindre que l’affaire du Médiator se termine comme celle de la canicule 2003 par des commentaires politico-médiatiques mais peu ou pas de publications scientifiques dans la littérature internationale, concernant en particulier le rôle des médicaments dans la mortalité (de la canicule), ce qui confirmerait la faiblesse de la médecine française et de la pharmacovigilance en particulier dans l’exploitation des données cliniques. J’invite les lecteurs à lire ce que j’avais écrit dans un article de 2004 concernant la canicule dans lequel j’ai cité cette phrase extraite du rapport parlementaire : « Paradoxalement, c’est en s’affranchissant des circuits officiels de la remontée d’informations que les acteurs de terrain ont donné l’alerte le plus efficacement». Cela ressemble un peu à ce qui s’est passé pour le Médiator.
La publication de résultats dans la littérature internationale est le meilleur moyen de les faire connaître et de les soumettre à la critique. Certes les revues médicales peuvent avoir quelques réticences à publier des articles défavorables aux laboratoires pharmaceutiques mais la concurrence entre elles est telle qu’il y a peu de chances qu’un article de qualité soit rejeté par toutes.
Article précédent concernant le Médiator : Médiator*et autres, faut-il remonter au péché originel, l’AMM.
Propositions pour améliorer le fonctionnement des organismes de contrôle : Haro sur l’Afssaps, on réorganise, 10 propositions.