L’affaire du Médiator se poursuit, des critiques sévères à l’égard du Laboratoire Servier et de l’Afssaps sont émises et le Ministre de la Santé et le Président de la République annoncent de profondes réformes.
L’organisation générale du système de santé autour du ministre est extrêmement complexe. L’Afssaps, qui compte près de 1000 agents, est la principale structure en charge du médicament et s’appelait auparavant Agence du Médicament.
Les responsables des agences, Afssaps, EMA, FDA… ont privilégié le développement et la complexification de leurs agences au détriment du service à apporter aux médecins pour les aider à mieux prescrire les médicaments. Le matraquage incessant par de pseudo-nouvelles spécialités pharmaceutiques a de quoi décourager les médecins les mieux intentionnés.
Je dénonce dans Pharmacorama depuis un certain temps déjà, avant que l’affaire du Médiator n’éclate, un certain nombre de pratiques de l’Afssaps que je considère comme une entrave à une bonne utilisation des médicaments. La correction de ces pratiques, que je résume en dix points, ne demande qu’un peu de bon sens et une certaine ténacité.
- Réduire le laxisme dans l’octroi des AMM.
- Faire en sorte qu’AMM et ASMR (particularité française, je crois) ne soient pas deux évaluations indépendantes.
- Arrêter les gadgets comme « la prescription médicale facultative », voir 1 et 2, et le Rappe qui semble s’être éteint de lui-même.
- Arrêter les co-commercialisations dont le seul but est d’embrouiller les médecins.
- Arrêter la multiplication des spécialités pharmaceutiques à base d’un même principe actif, voir 1 et 2
- Améliorer le « Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques », en y introduisant les RCP (pour remplacer « Documents de référence disponible : Aucun » de tous les médicaments qui sont ou ont été commercialisés récemment, avec date d’introduction et éventuellement de retrait, voir texte 2004, et en supprimant la phrase ambiguë « Déclaration de commercialisation non communiquée » ; clarifier la distinction entre ATU et essai clinique.
- Tenter de limiter la multiplication des génériques d’un même principe actif. L’introduction des génériques a été une affaire mal menée par le pouvoir politique à l’échelle internationale : elle a été conçue pour ouvrir la voie aux « génériqueurs ».
- Limiter le nombre des experts, la qualité d’une évaluation ne croit pas proportionnellement au nombre d’experts ou de commissions.
- Libérer la pharmacovigilance en l’incitant à publier dans la littérature internationale des faits, des opinions, des interrogations, des contestations, sans attendre la « position » officielle du Ministère. La pharmacovigilance a besoin de plus de désorganisation que d’organisation.
- Publier dans une revue internationale un bilan des effets indésirables cardiovasculaires du Médiator, l’affaire du Médiator étant essentiellement franco-française nous n’avons pas à attendre des éclaircissements venant d’autres pays. Les revues médicales internationales ont aussi leurs conflits d’intérêt et peuvent véhiculer de fausses informations, voir affaire Wakefield, mais elles restent le moyen le plus concis et le plus transparent pour exposer une situation et sont les outils de référence au niveau international ; les « rapports » officiels apparaissent souvent comme des amusements de dilettantes qui ne laissent aucune trace dans la littérature internationale ; ceci reviendrait à faire pour le Médiator ce qui n’a pas été fait pour la canicule !
Enfin se rappeler que l’industrie pharmaceutique n’est pas un bloc homogène, il y a une concurrence poussée entre les différents laboratoires et dès qu’une niche d’expansion apparaît ils s’y précipitent, il faut donc une force de contention pour éviter le dérapage ; par ailleurs les laboratoires pharmaceutiques jouent à l’échelle internationale et savent en tirer profit.
Ces mesures concrètes sont sans doute trop au ras des pâquerettes pour être prises en considération par des politiques habitués aux grandes perspectives mais je pense que les médecins l’apprécieraient beaucoup !
Bonjour,
Je suis assez d’accord (voire totalement d’accord pour la plupart) sur le contenu de ces 10 propositions. Je rajouterais tout de même un onzième item sur le devoir des prescripteurs. Rappelons qu’une prescriptions « hors AMM » n’est valable que si des articles scientifiques publiés dans des revues a comité de lecture apportent la preuve d’un rapport bénéfice/risque favorable, y compris par rapport aux autres spécialités déja référencées dans ladite indication. De plus, la mention « hors AMM » doit être spécifiée sur l’ordonnance (et le produit n’est donc plus remboursable) Hors, 70% des prescriptions de Médiator était hors AMM. Donc je veux bien croire que les médecins ne pouvaient anticiper le désastre sanitaire et heureusement, mais ils étaient bien conscient que la sécu remboursait à la hauteur de 300 millions d’euros d’argent public un coupe faim qui n’a jamais démontré son efficacité et son innocuité dans cette indication !!
Que dira t-on si dans 10 ans, on découvre que le baclofène, assez largement prescris « hors AMM » et à des dosages supérieurs à cette AMM dans le traitement de l’alcoolodépendance (depuis qu’un médecin a vanté les mérite de ce produit dans un livre sur le seul argument d’une efficacité sur sa propre personne) est a nouveau responsable de 3000 décès ?