Des données épidémiologiques, en particulier celles des auteurs brestois, ont confirmé les craintes concernant la toxicité cardiaque du benfluorex, Médiator*, et conduit à son retrait du commerce.
On peut s’interroger sur la date du retrait du Médiator*. On peut aussi s’interroger sur la justification de sa commercialisation en 1976 avec d’aussi larges indications qui se sont effilochées par la suite. Si on regarde le RCP du Médiator* à sa commercialisation (j’ai consulté le Dictionnaire Vidal de 1979) les indications sont les suivantes :
- Hyperlipidémies, hypercholestérolémies (diminution hautement significative de 15 à 35 %), hypertriglycéridémie (diminution significative de 33 à 55 %)
- Diabète, diabète patent…diabète asymptomatique…
- Athérosclérose potentielle ou avérée…
Dans le RCP de 2009 l’indication se bornait à « adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale ». Il y a donc eu une restriction considérable de ses indications, je ne sais pas si son utilisation a parallèlement beaucoup diminué.
Je n’ai pas bien compris l’autorisation initiale de commercialisation avec de si larges indications. Je considérais le Médiator* plus comme un anorexigène que comme un hypolipémiant, un antidiabétique ou un médicament protégeant contre l’athérosclérose ; perplexe devant cette panacée, ne sachant pas comment la situer sur le plan pharmacologique, j’avais choisi de ne pas en faire état dans mes cours ni dans Pharmacorama.
Le retrait du Médiator*, médicament ancien, et le retrait, du moins en Europe, de Avandia*, rosiglitazone, médicament récent, généralement utilisé comme « adjuvant », appellent à s’interroger sur l’octroi des AMM qui, derrière un cérémonial rigoureux, est parfois un peu laxiste.
La commercialisation, souvent la co-commercialisation, de médicaments à base de principes actifs nouveaux est incessante. L’apport de la plupart de ces médicaments nouveaux est souvent modeste, par exemple des anticancéreux qui, utilisés dans des conditions optimales, prolongent la durée de vie des cancéreux seulement de quelques semaines au prix d’effets indésirables non négligeables et à un coût très élevé. Les Commissions d’AMM (Afssaps ou EMEA) accordent assez facilement des autorisations à condition que le cérémonial de demande soit respecté (et seuls les grands laboratoires peuvent le faire) et, en France, la Commission de la Transparence décerne des ASMR qui indiquent que beaucoup de nouveaux médicaments autorisés n’apportent pas grand-chose.
La commercialisation de spécialités dites nouvelles à base de principes actifs déjà commercialisés par ailleurs, d’associations de principes actifs, de principes actifs avec une nouvelle indication… venant souvent s’ajouter aux génériques, est également incessante. L’arrivée de ces nouvelles spécialités, affublées de noms de fantaisie, crée un embrouillamini dans lequel on se perd. Cette commercialisation n’a strictement aucun intérêt médical, ni pour les médecins ni pour les malades, mais seulement un but commercial. Il s’agit en fait d’une désinformation par excès d’informations inutiles, mise en place avec l’aval des pouvoirs publics. J’en ai déjà parlé, voir par exemple médicaments de prescription médicale facultative, Onsenal*, Nurofentem*.
Une plus grande rigueur de la part des autorités de régulation, les Agences, pour limiter ce flot de nouveaux médicaments d’intérêt limité et de vieux médicaments déguisés en « nouveaux » serait bienvenue : elle désencombrerait l’information sur les médicaments, inciterait les laboratoires à faire mieux et simplifierait le travail de la pharmacovigilance.
Bonjour, Je suis embêté, car lecteur de Pharmacorama et de Prescrire, j’avais déjà été prévenu des risques importants du Médiator. Risques cardiaques, pulmonaires,… Etant pharmacien d’officine, ma question a souvent été, quand le Médiator était encore sur le marché: » Comment protéger mes patients à qui on prescrit du Médiator ? » . Est-ce que je dois me brouiller avec mes confrères médecins ? Est-ce que je dois leur envoyer des articles sur le sujet ? La question est importante, car vu le laxisme des autorités compétentes ( EMEA,…) le cas du Médiator va se reproduire ! Est-ce que certains auraient des idées sur l’attitude à adopter ? Merci
Vos interrogations sont pertinentes mais, comme vous le soulignez, les réponses à y apporter ne sont pas simples.
Il est difficile d’intervenir à propos de cas particuliers sans titiller la susceptibilité de chacun et sans semer le trouble dans l’esprit des malades et puis, devant des données contradictoires, il peut persister une hésitation sur la décision à prendre.
Je crois qu’il faut se placer sur plan général pour faciliter l’expression d’opinions non conventionnelles ou susceptibles d’être mal reçues. Une possibilité parmi d’autres serait d’essayer de faire des réunions communes médecins-pharmaciens d’un territoire donné, d’une manière indépendante, en dehors de l’industrie pharmaceutique, des Ordres, des Facultés, des organismes habilités à distribuer des certificats de présence…sans qu’il soit interdit de faire appel à des participants extérieurs au groupe.
Au cours de ces réunions les pharmaciens pourraient dresser le tableau des médicaments prescrits par les médecins, localement, en les classant selon divers critères, sans aucun jugement de valeur ; les médecins donneraient les raisons, les arguments qui les ont conduits à prescrire tel ou tel médicament (habitudes, visite médicale, exemples des spécialistes, littérature …) ; une discussion générale ouverte suivrait, au cours de laquelle des remarques comme celles concernant le Médiator auraient pu être émises.
L’idée est de partir de ce que l’on fait pour voir si on peut faire mieux, de créer un climat de liberté d’expression et non d’attente passive de recettes venant d’en haut ; les sources d’information, les données de la littérature internationale sont maintenant accessibles à tous … au prix d’un effort…
Il n’y a pas de vérité (ou des vérités successives) mais des choix préférables à d’autres.
Je sais que tout ceci est plus facile à dire qu’à faire.
Etant donné qu’il s’agissait d’un positionnement purement marketing(Servier possedant déjà le Ponderal comme anorexigène) et que les études cliniques concluaient au mieux à une action modeste sur le métabolisme des lipides et des glucides, octroyer une AMM au benfluorex dans de telles indications était surement incohérent, et le laisser sur le marché après les années 90 suite au retrait des fenfluramines devenait encore plus inexplicable.