Le diagnostic d’hypertension s’est modifié : avec les normes actuelles, presque tout individu est ou sera hypertendu et ensuite traité jusqu’à la fin de ses jours. Ce large débouché thérapeutique ne peut pas laisser l’industrie pharmaceutique indifférente. Comme il est difficile de trouver un nouvel antihypertenseur bien toléré sur le long terme, il est tentant de chercher des combinaisons avec ce qui existe déjà, en associant à un principe actif non encore généricable (pour obtenir un prix élevé) des principes actifs génériqués. La commercialisation d’Exforge HCT* se situe dans cette perspective.
La spécialité Exforge* associant amlodipine, 5 ou 10 mg, et valsartan, 80 ou 160 mg, destinée au traitement de l’hypertension artérielle, est déjà commercialisée et remboursée par la Sécurité Sociale.
La spécialité Exforge HCT*, associant amlodipine, valsartan et hydrochlorothiazide, HCT, 12,5 ou 25 mg, a obtenu son AMM et vient d’être commercialisée en France, juin 2010, sous forme de 5 présentations correspondant à des combinaisons différentes; elle vise à simplifier le traitement : il est plus facile pour le malade de prendre 3 principes actifs sous la forme d’un seul comprimé que de 3. Cependant, la HAS a émis un émis un avis défavorable au remboursement par la Sécurité Sociale de Exforge HCT* qui est actuellement vendu en pharmacie sur ordonnance, à prix libre.
En principe, Exforge HCT* devrait être réservé aux malades déjà traités par les 3 antihypertenseurs valsartan, amlodipine et hydrochlorothiazide , sous forme de 2 ou 3 comprimés qu’il remplacerait sous forme d’un seul comprimé. Mais il est clair que le but visé à terme est d’étendre sa prescription à tout hypertendu en arguant de la simplicité du traitement, en proposant de commencer par une présentation faiblement dosée.
Que penser de la décision de non remboursement de Exforge HCT* prise par la HAS ? La décision de la HAS implique une certaine désapprobation de l’AMM qui a été accordée. Il n’est pas démontré que l’association amlodipine, valsartan et hydrochlorothiazide soit la meilleure trithérapie antihypertensive, dès lors cette AMM crée un précédent qui va entraîner la commercialisation d’une flopée de tri-, voir de quadri- et penta-associations (les sartans et les IEC sont nombreux) et créer à travers une multitude de noms de fantaisie une vaste embrouille.
Revenons un peu en arrière. A sa sortie, chaque sartan a été considéré comme efficace à lui seul comme antihypertenseur, puis il a fallu l’associer à un diurétique, généralement l’hydrochlorothiazide, actif lui-même comme antihypertenseur. Un des arguments avancé pour justifier les doubles associations a été de dire qu’il valait mieux prendre 2 antihypertenseurs à mécanisme d’action différent à faible dose qu’un seul à forte dose, mais la réduction des doses n’a pas été évidente. Si les effets bénéfiques de chaque principe actif s’ajoutent il est possible qu’il en soit de même des effets indésirables. Le traitement antihypertenseur s’étale sur de nombreuses années et le rapport avantages /inconvénients à long terme est difficile à évaluer et peut réserver des surprises. Ainsi les sartans, considérés comme des médicaments efficaces et pratiquement sans effets indésirables, pourraient avoir quelques inconvénients, voir « drôle de temps sur les sartans ». De plus, le traitement intensif de l’hypertension artérielle n’est pas nécessairement plus efficace que le traitement standard.
Le traitement de l’hypertension artérielle repose sur un ensemble de mesures et il me semble que le traitement médicamenteux doit être entrepris avec 1 ou 2 principes actifs à des posologies adaptées avant d’ajouter un troisième. Mais je crains que la tri- ou quadri- ou même penta-thérapie censée protéger contre tous les « facteurs » de risque cardiovasculaire (en ignorant ses propres dangers) soit irréversiblement lancée, avec un seul comprimé par jour.
Je me suis déjà prononcé sur les spécialités associant plusieurs antihypertenseurs
Précédents articles parus dans Pharmacorama concernant les antihypertenseurs
Remarque
Selon un article du JAMA daté du 1er juillet 2010, chez des diabétiques, le contrôle strict de la pression artérielle, systolique inférieure à 130 mm de Hg, n’apporte rien de plus que le contrôle standard, systolique entre 130 et 140 mm de Hg, en matière d’accidents cardiovasculaires et de mortalité toutes causes confondues. Mais il faut noter que la fréquence des accidents était plus élevée chez ceux dont la tension artérielle systolique était supérieure à 140 mm de Hg.