Les autorisations de mises sur le marché de médicaments nouveaux pleuvent à travers le monde alors que l’on considère que l’innovation pharmaceutique stagne et que les progrès thérapeutiques réels sont bien minces, voire inexistants ! Cette situation provient en grande partie du laxisme, caché derrière une rigueur de façade, dans l’attribution des autorisations de mise sur le marché (AMM) par les pouvoirs publics. Ce laxisme est tellement évident qu’en France un autre critère est venu corriger l’AMM, c’est l’Amélioration du Service Médical Rendu ou ASMR qui, lui, indique que les trois quarts des médicaments nouveaux n’améliorent pas ce service et n’ont donc aucun intérêt par rapport aux anciens. Comme, de plus, ces nouveaux médicaments sans avantages sur les anciens sont incomparablement plus couteux, on est dans une situation ubuesque.
L’obtention d’une autorisation de mise sur le marché aujourd’hui résulte souvent davantage de la technique de montage du dossier de demande que de la qualité du produit concerné. Ce dossier doit être volumineux, très lourd et être présenté selon des modalités codifiées (le conseil d’un membre ou d’un ancien membre des Commissions est fort utile). Ces nouveaux médicaments ont le plus souvent des indications restreintes à des pathologies généralement réfractaires aux traitements existants, dans lesquelles ils ont une efficacité médiocre (souvent non statistiquement significative, testée sur des critères secondaires, sans comparaison avec un médicament de référence). Les effets indésirables nombreux ne sont pas un obstacle à une commercialisation (une longue liste, ça fait sérieux et transparent), il suffit d’ajouter une kyrielle de précautions d’emploi et de compléter le tout par un Plan de Gestion des Risques. Enfin il est bon d’obtenir un prix de remboursement très élevé pour laisser croire qu’il s’agit d’un progrès thérapeutique. Il ne reste plus qu’à promouvoir le médicament nouveau, l’industrie pharmaceutique sait le faire et y met les moyens nécessaires.
Cette politique laxiste des pouvoirs publics conduisant à commercialiser des médicaments sans intérêt a des effets pervers : les malades n’en tirent pas bénéfice, les médecins sont largués par la profusion des nouveautés et dépendent de la « communication » des laboratoires pharmaceutiques, la Sécurité Sociale paie très cher des médicaments sans grand intérêt et l’industrie pharmaceutique elle-même se fourvoie. Au lieu de chercher des médicaments véritablement innovants, tâche bien difficile je le concède, elle s’épuise dans la course aux gadgets en dépensant des sommes considérables pour constituer des dossiers et lancer ses produits qu’elle sait de médiocre qualité.
Devant ces constatations il est d’usage de jeter la pierre à l’industrie pharmaceutique. Certes elle y a activement contribué mais les véritables responsables sont les pouvoirs publics c’est-à-dire les gouvernants, qui s’abritent derrière leurs usines à gaz , Afssaps, EMEA, FDA… Il s’agit bien sûr d’un problème international, pas seulement français, mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’en préoccuper.