La posologie des médicaments a été établie en fonction de leurs effets thérapeutiques observés au cours de leur usage et des essais cliniques. Puis on a montré qu’à ces effets thérapeutiques correspondaient des concentrations plasmatiques déterminées appelées zone thérapeutique. Toutes les données pharmacocinétiques reposent sur les variations et l’évolution de ces concentrations plasmatiques. La posologie a été soit standard, même dose chez les adultes, soit adaptée en fonction du poids corporel, notamment chez l’enfant, et en fonction de la surface corporelle pour certains médicaments. Il faut rappeler que la surface corporelle est un paramètre qui a été calculé non pas pour la pharmacocinétique mais pour évaluer les dépenses d’énergie lorsque la mesure du métabolisme basal était couramment pratiquée en médecine et en biologie. On comprend que lorsque la surface corporelle était « à la mode » certains aient été tentés de l’utiliser comme base d’établissement de posologie mais ce qui paraît étonnant c’est qu’on puisse continuer à le faire aujourd’hui, notamment en cancérologie.
Que les médecins prescrivent en fonction de la surface corporelle est tout à fait normal puisque les mentions légales de posologie de certains médicaments sont ainsi établies. Que des médecins faisant des études de pharmacocinétique établissent les posologies en fonction de la surface corporelle paraît pour le moins déconcertant. Prescrire en surface, et ensuite raisonner en volume (ce qui est la règle en pharmacocinétique), est illogique puisqu’il n’y a aucun lien mathématique possible entre la surface et le volume d’un objet complexe comme le corps humain et que la surface corporelle n’intervient pas dans l’absorption ni l’élimination des médicaments. Le volume de distribution d’un médicament s’exprime en litres et est souvent rapporté au kilogramme de poids corporel, il serait saugrenu de le rapporter au mètre carré, ce qui conduirait à une hauteur ! Le poids et la taille, pris en compte dans l’établissement de la surface corporelle, donnent une idée de la corpulence qui évoque une silhouette et plus un volume qu’une surface. Le lien entre le poids et le volume est plus simple, c’est la densité et la densité moyenne du corps humain est proche de 1.
Aujourd’hui, quand un médicament arrive sur le marché, le choix de sa posologie en fonction notamment du poids ou de la surface corporelle est déjà fait. Mais on ne trouve jamais les arguments qui ont justifié ce choix. Sur quels critères repose ce choix ? La maladie à traiter, l’organe atteint, le médicament avec ses caractéristiques physicochimiques, son mode d’administration, son mode d’élimination, sa distribution tissulaire, la classe thérapeutique à laquelle il appartient, le bon vouloir du laboratoire pharmaceutique (la surface corporelle ça fait savant !) ? Si, par exemple, on admet que le médicament, compte tenu de sa polarité, ne se distribue pas dans la masse graisseuse, ne serait-il pas possible de prendre en compte le poids corporel assimilé à un volume en litres moins la masse graisseuse, (les moyens d’évaluation de cette masse dépassent le cadre de cette note).
Les modalités de prescription des médicaments, avec la tendance à l’individualisation des traitements, tenant compte notamment du génotype, doivent être repensées. À cette occasion, il serait bon de ne plus se référer à la surface corporelle comme paramètre d’établissement de posologie des médicaments. La surface corporelle donne l’illusion d’une méthode évoluée alors qu’elle est inadaptée à la pharmacocinétique.
Que les adeptes de la surface corporelle apportent leurs arguments, que les spécialistes de pharmacocinétique s’expriment ! Les forums de Pharmacorama sont la pour ça !
J’ai déjà parlé de ce sujet, il y a quelques années, voir ici.
Très bien il faut toujours remettre un peu d’huile sur le feu…
Quelques bon articles ont été consacré sur le sujet dans les revues spécialisées (clinical pharmacockinetics …) ce qu’ils en sort c’est ce que nous savons déjà… La SC est un bon moyen pour les toxicologue / pharmacocinéticien d’adapter la dose entre les espèces (rongeurs/lapins/chiens…) car elle serait corrélé à un métabolisme basal, puis elle à été utilisé pour adapter la posologie adulte -> enfant, avec la même approche.
Mais il est claire que je n’ai lu aucune étude qui montrait une corrélation entre SC et métabolisme ou élimination…au mieux il me semble qu’elle est faiblement corrélée au débit sanguin hépatique…mais bon les vieilles habitudes sont tenaces et dures à changer. Et il est vrai que quand j’observe des prescriptions en dose/SC non arrondies (432.5 mg au lieu de 430 voire 400 mg) cela me laisse dubitatif car:
1) La SC n’est pas le paramètre idéal pour doser / ajuster une pharmacocinétique
2) Le modèle PK/PD des anticancéreux est bien loin d’être aussi simple que celui des aminosides (i.e. concentration dépendant)
Mais la SC bénéficie des études cliniques des industriels comme support/caution pour la prescription, et le risque d’être toxique comme le risque d’être inefficace doivent être suffisamment « effrayant ».
Pour aller un peu plus loin dans l’exploration PK/PD puisque c’est le fond du problème (doses->concentrations->effets), le poids idéal IBW (corrélé avec le volume de distribution des médicaments hydrophiles) lui n’est que très rarement utilisé en France. Hors de nombreuses études ont montrées la supériorité des doses prescrites par kg de poids idéal notamment pour les aminosides par exemple.
sincérement,