La recherche biomédicale française ne se porte pas très bien.
Si on considère les publications dans les revues scientifiques internationales, on constate que le pourcentage d’articles d’origine française est faible. La présence dans la littérature internationale est pourtant essentielle car c’est par elle que l’information circule (et non par les nombreux « rapports » que nos administrations utilisent tant mais qui n’ont aucun impact international !). Pour publier dans la littérature internationale il faut avoir des choses à dire mais aussi l’habitude de les dire.
Si on considère le matériel d’équipement et de fonctionnement au quotidien des laboratoires de recherche de biologie, on constate qu’il est d’origine étrangère, essentiellement américain. Financièrement, les grands bénéficiaires des crédits alloués à la recherche biomédicale française sont les sociétés américaines. On s’émeut de voir quelques chercheurs français partir à l’étranger mais on ne s’est pas ému du fait que tout le matériel de nos laboratoires vienne de l’étranger.
Si on considère le matériel d’équipement et de fonctionnement d’un hôpital français d’aujourd’hui on fait la même constatation : l’essentiel vient de l’étranger, de la grosse machine au kit de dosage et aux médicaments. La médecine française reste une des meilleures du monde parce que, entre autres raisons, la France a encore les moyens d’importer du matériel de l’étranger. On peut faire remarquer que l’origine du matériel et des fournitures, France ou étranger, est maintenant plus difficile à distinguer du fait que souvent les fournisseurs sont des multinationales, mais même en tenant compte de ce fait la part française paraît faible.
Si on considère l’industrie pharmaceutique française, la belle époque, il y a une cinquantaine d’années, où des gens qui ne s’appelaient pas encore chercheurs découvraient des médicaments (encore utilisés actuellement) est passée. La recherche était alors plus désordonnée et moins dogmatique ; il était encore possible de faire de la « mauvaise » recherche…avec parfois de bons résultats.
Quelles sont les causes du déclin de la recherche biomédicale française? Le réflexe primaire est d’incriminer le manque de crédits. Bien sûr, ça intervient, mais il y a d’autres causes plus complexes et inhérentes à nos mentalités et à nos structures auxquelles s’ajoute la montée en puissance de nouvelles capacités de recherche à travers le monde.
Une des causes de nos ennuis est le rejet de la recherche dite appliquée, vieille tradition française provenant du dédain des « pseudo-intellectuels » pour tout ce qui est manuel ou technique à visée utilitaire et pratique (à visée artistique ou culturelle, c’est par contre noble). L’université française de par son histoire fondée sur l’attribution de diplômes correspondant à un savoir souvent figé (le latin de la Sorbonne quand les français parlaient français), contrairement à la plupart des universités étrangères, a largement contribué à ce discrédit pour la recherche appliquée. La découverte du microscope est aussi importante que celle des microbes !
Une organisation excessive peut étouffer la recherche. L’idée que de grands organismes bien planifiés avec de multiples collaborations nationales et internationales sont les mieux adaptés à la recherche biomédicale d’aujourd’hui est discutable. On doit planifier la construction d’hôpitaux, de routes, de TGV, d’Airbus, de bateaux, d’accélérateurs de particules, mais il est bien difficile de planifier utilement la recherche biomédicale dans la mesure où généralement on ne sait pas ce que l’on va trouver et très souvent ce que l’on trouve n’était pas ce que l’on cherchait. Une orientation de recherche en apparence désuète peut se révéler féconde. Une recherche biomédicale de type « guérilla », souple et mobile, est sans doute plus efficace qu’une recherche de type grande armée à laquelle il ne manquerait pas un bouton de guêtres. Les laboratoires pharmaceutiques (qui – en s’appuyant certes sur les acquisitions de la biologie – sont quand même à l’origine de la découverte de la quasi-totalité des médicaments) l’ont compris, certains scindent leur grande armée en unités de recherche indépendantes et, par ailleurs, achètent de plus en plus ce qui leur semble être des innovations à des structures éphémères, quand ce n’est pas les structures elles-mêmes qu’ils achètent. En matière d’organisation, c’est comme en peinture, il est plus facile d’ajouter deux couches que d’en enlever une.
La passivité du citoyen conditionnée par le pouvoir politique, qui a besoin de faire croire à son efficacité, ne favorise pas l’esprit d’initiative ni de recherche. Comment innover quand chacun a pris l’habitude, en toutes circonstances, de tout attendre passivement les prestations télévisées des politiques et quand presque toute l’énergie est mise à uniformiser et à réglementer et non à savoir si l’on peut faire mieux ou différemment…