Acides gras oméga-3 et troubles dépressifs

De très nombreuses publications dont les plus anciennes remontent aux années 1970 ont montré le rôle protecteur des acides gras oméga-3 dans la prévention des troubles cardiovasculaires. Un article de janvier 2004 résume bien cette question.

Le rôle possible des acides gras oméga-3 dans les troubles psychiatriques n’a été envisagé que plus récemment puisque les résultats des premiers essais cliniques testant l’efficacité des acides oméga-3 en psychiatrie ont été publiés en 1999. Depuis lors d’autres résultats d’essais cliniques ont été publiés mais ils sont assez peu nombreux  si l’on ne considère que les troubles dépressifs, et nous allons brièvement les analyser ici.

L’étude de Stoll, a été publiée en 1999 et concerne l’utilisation des acides oméga-3 dans les troubles bipolaires. Elle a été menée chez 30 malades déjà traités par lithium, acide valproique ou carbamazépine, (traitement qui n’a pas été interrompu lors de l’essai) répartis en 2 groupes, l’un recevant un placebo et l’autre 6,2 g d’acide eicosapentaénoique ou EPA et 3,4 g d’acide docosahexaénoique ou DHA par jour pendant 3 mois. Les résultats : dans le groupe oméga-3 il y a eu 3 cas d’aggravation des troubles sur 14 malades et dans le groupe placebo il y a eu 10 cas d’aggravation sur 16 malades. Les différences entre groupe témoin et traité sont statistiquement significatives.

L’étude Nemets, parue en 2002, a été menée sur 20 malades dont 17 femmes souffrant d’un trouble dépressif de type unipolaire récurrent , traités par antidépresseurs (le traitement antidépresseur a été maintenu), répartis en 2 groupes, l’un recevant un placebo et l’autre 2 g par jour d’éthyl acide eicosapentaénoique ou éthyl EPA pendant un mois. Les résultats : l’état dépressif, mesuré par l’échelle Hamilton, a été statistiquement davantage réduit dans le groupe oméga-3 que dans le groupe placebo.

L’étude Peet, 2002, a été faite sur 70 malades qui restaient déprimés malgré un traitement antidépresseur qui a été poursuivi pendant l’essai. Ils étaient répartis en 4 groupes, un groupe placebo, 3 groupes recevant de l’éthyl acide eicosapentaénoïque, éthyl-EPA, aux doses de 1, 2, et 4 g pendant 3 mois. Résultats : seul le groupe prenant 1g par jour d’ éthyl-EPA a été statistiquement amélioré par rapport au placebo ; les groupes recevant 2 et 4 g ne l’ont pas été.

L’étude de K-P Su, parue en 2003, a été menée sur 22 malades, dont 18 femmes, souffrant d’un trouble dépressif majeur, traités par antidépresseur (traitement maintenu pendant l’étude), répartis en 2 groupes, l’un recevant un placebo, l’autre 4,4g d’acide eicosapentaénoique ou EPA et 2,2 g d’acide docosahexanoique ou DHA pendant 2 mois. Résultats : l’état dépressif, mesuré par l’échelle de Hamilton, a été plus amélioré dans le groupe oméga-3 que dans le groupe placebo.

L’étude Marangell, parue en 2003, faite sur 36 malades ayant un état dépressif majeur, non traités par antidépresseurs, divisés en 2 groupes, l’un placebo, l’autre acide docosahexaénoique, DHA,. à la dose de 2 g par jour pendant 6 semaines. Résultats il n’y a pas eu d’amélioration statistiquement significative dans le groupe DHA par rapport au groupe placebo.

L’étude Llorente, 2003, a été menée chez des femmes venant d’accoucher présentant une dépression du pospartum. Elles ont été réparties en 2 groupes, l’un recevant un placebo et l’autre 200 mg par jour d’acide docosahexaénoïque, DHA, pendant 4 mois. Bien qu’il y ait eu des modifications des lipides plasmatiques dans le groupe traité par rapport au placebo, il n’y a eu aucune amélioration des signes cliniques.

Enfin selon un travail non publié mais cité dans la mise au point de Post, 2003, l’apport de 6 g par jour d’EPA pendant 4 mois n’a pas entraîné d’amélioration des troubles dépressifs par rapport au placebo.

Au total, selon les 4 premières études citées, même si elles sont critiquables sur le plan méthodologique, on peut considérer que la prise d’acides gras oméga-3 parallèlement au traitement antidépresseur conventionnel a réduit les troubles dépressifs. Pris seuls, il s’agissait du DHA, sans autre traitement antidépresseur, ils ont été sans effet selon les 3 dernières études citées.

Par ailleurs lorsque des préparations mixtes acide eicosapentaénoïque, EPA, et acide docosahexaénoïque, DHA sont utilisées, on ne sait pas si l’efficacité, quand elle existe, provient de l’un ou de l’autre ou de leur association.

On ne sait pas non plus si l’éthyl-EPA est supérieur à l’EPA, ni si les résultats obtenus avec l’un sont transposables à l’autre ? Il reste des interrogations concernant la dose quotidienne efficace d’éthyl-EPA, 1 g par jour serait actif mais pas 2 ou 4 ; que ferait 0,5 g ?

De plus on ne dispose d’aucune étude à moyen ou long terme sur les effets de la prise d’acides gras oméga-3 sur la prévention des troubles dépressifs ou leur récurrence.

Où trouver les acides gras oméga-3 ? On les trouve dans la plupart des poissons, le maquereau par exemple en contient beaucoup. Une consommation élevée de poisson , plus de 2 fois par semaine, n’est cependant pas recommandée parce que les poissons contiennent du mercure en quantité non négligeable, mercure dont les dangers sont réels mais ont peut-être été surestimés, voir Clarkson.

Il existe de très nombreuses préparations à base d’acides gras oméga-3, en vente en pharmacies, en parapharmacies et sur internet. On n’a généralement pas de données précises qualitatives et quantitatives de la composition de ces préparations en principes supposés actifs et en contaminants dont le mercure. Comme nous l’avons dit précédemment on ne sait pas quel est l’acide oméga-3 le plus efficace et ni à quelle quantité il faudrait le prendre.

La littérature ne signale pas d’effets indésirables liés à la prise d’acides gras oméga-3 peut-être parce qu’il n’y en a pas, ou que la durée d’observation a été trop courte pour qu’ils apparaissent.

Il est évidemment attrayant de pouvoir conserver la santé ou la recouvrer par de simples modifications alimentaires mais il faut dans ce domaine comme dans celui des médicaments fonder son jugement sur des faits si possible bien établis. Il faut espérer que les études en cours et à venir seront menées avec plus de rigueur et sur un nombre plus élevé de personnes que celles dont on dispose aujourd’hui, permettant ainsi de lever un certain nombre d’ambiguïtés.

Additif : Acides gras

Un acide gras peut être saturé, sans double liaison, ou insaturé avec une ou plusieurs doubles liaisons, dans ce dernier cas il est dit polyinsaturé.

Lorsque la double liaison la plus proche du CH3 numéroté 1 est au niveau du 3 ème atome de carbone de la chaîne, l’acide est appelé oméga-3.


Lorsque la double liaison la plus proche du CH3 numéroté 1 est au niveau du 6 ème atome de carbone de la chaîne, l’acide est appelé oméga-6.

Exemples d’acides gras oméga-3 :

  • Acide alpha-linolénique C 18 : 3 ( acide à 18 atomes de carbone avec 3 double liaisons)
  • Acide eicosapentaénoîque EPA C20 : 5
  • Acide docosahexaénoîqueue DHA C 22 : 6

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