Le principal enképhalinomimétique est la morphine. Elle a été à l’origine de la découverte des récepteurs enképhalinergiques et des enképhalines, et non l’inverse. Elle est extraite de l’opium qui est obtenu par incision des capsules du pavot, Papaver somniferum. Des études récentes ont montré que des cellules animales et humaines pouvaient synthétiser d’infimes traces de morphine dont le rôle éventuel reste à préciser.
La morphine est le métabolite actif de plusieurs substances : codéine, codéthyline ou éthylmorphine, pholcodine, héroïne.
A dose thérapeutique, environ 10 mg par injection intraveineuse ou intramusculaire, la morphine a, outre son effet analgésique, de nombreux effets.
Effet analgésique
L’analgésie est le principal effet de la morphine qui calme la plupart des syndromes douloureux.
- Elle augmente le seuil de perception de la douleur :
- Elle modifie la perception douloureuse :
- Elle diminue les réactions à la douleur :
- L’action analgésique de la morphine après administration parentérale systémique dure de 4 à 6 heures et résulte de son action à plusieurs niveaux : cérébral, médullaire, périphérique Cette action périphérique est facile à mettre en évidence : la morphine administrée localement par voie intra-articulaire, dans le genou par exemple, entraîne une analgésie localisée.
Effet comportemental
L’administration de morphine à dose thérapeutique entraîne, chez un malade qui souffre intensément, une diminution ou une disparition de la douleur, une somnolence avec une certaine euphorie, une impression de bien-être, une indifférence aux ennuis.
Chez un sujet normal, non dépendant et qui ne souffre pas, ses effets sont plutôt désagréables : il y a dysphorie avec anxiété, nausées, vomissements.
Effet sur la respiration
La morphine déprime la respiration : même à faible dose, elle en diminue le rythme et l’amplitude. Cette dépression respiratoire s’établit parallèlement à l’effet analgésique et apparaît en cinq minutes ou une heure selon son mode d’administration. Elle s’explique par une diminution de la sensibilité des centres respiratoires au CO2. C’est l’abaissement de la concentration d’oxygène qui devient le principal stimulant et, dans ces conditions, l’oxygénothérapie peut favoriser l’apparition d’apnées. Il découle de cet effet dépresseur sur la respiration une application, l’utilisation des dérivés de la morphine, codéine surtout, comme antitussifs, et une contre-indication, son utilisation en cas d’insuffisance respiratoire.
Effet oculaire
La morphine provoque un myosis qui persiste même à l’obscurité. Au cours d’intoxication à la morphine et chez les morphinomanes, les pupilles sont punctiformes. Le myosis est la conséquence de la stimulation des récepteurs m et k, stimulation qui conduit à une activation du parasympathique ; l’atropine s’oppose à ce myosis.
Effet sur l’appareil cardiovasculaire
A dose thérapeutique, la morphine a peu d’effets sur l’appareil circulatoire chez le malade couché. Chez un sujet debout, une vasodilatation, peut-être liée à une libération d’histamine, peut donner une hypotension orthostatique.
Effet sur l’appareil digestif
Schématiquement, par ses effets sur les récepteurs centraux et périphériques, la morphine diminue le péristaltisme digestif (gastrique et intestinal) et la sécrétion hydrique, ce qui entraîne une constipation.
Il existe des dérivés morphiniques de synthèse à propriété antidiarrhéique : le diphénoxylate, le lopéramide.
La morphine a un effet spasmogène sur les voies biliaires (sphincter d’Oddi), les uretères et la vessie. Si on l’utilise comme antalgique dans le traitement des coliques, il faut lui associer un antispasmodique.
Les nausées et les vomissements induits par la morphine sont dus à la stimulation de la «chemoreceptor trigger zone», CTZ, et non à l’effet spasmogène direct.
Effets hormonaux (neuro-endocriniens)
Les effets hormonaux de la morphine sont essentiellement hypothalamo-hypophysaires : diminution de la sécrétion de LH, FSH, ACTH et augmentation de la sécrétion de prolactine par réduction de l’action de la dopamine.
Tolérance et dépendance
- Tolérance
- La tolérance à la morphine se traduit par une diminution de ses effets lors des administrations répétées. Cette tolérance dont l’importance a peut-être été exagérée, peut être dissociée, l’effet analgésique s’atténuant plus rapidement que le myosis et la constipation. Les antagonistes NMDA et les inhibiteurs de la synthèse de NO réduiraient la tolérance à la morphine.
- Dépendance
- Il existe une dépendance à la fois psychique et physique à la morphine qui se développe rapidement. Elle semble provenir d’une activation du système dopaminergique qui est étroitement lié au système enképhalinergique. L’arrêt brutal de la morphine chez un morphinomane se traduit par un état de manque psychique et physique. Les symptômes apparaissent environ 8 à 12 heures après l’arrêt : anxiété, appréhension, lacrymation, rhinorrhée, toux, sueurs. On observe également : élévation de la température, insomnie, céphalées, mydriase, hypertension, nausées, hypersalivation et diarrhée.
- La dépendance se manifeste aussi chez le nouveau-né lorsque sa mère prenait de la morphine avant l’accouchement. Dans ce cas, à la naissance, on observe chez l’enfant hyperactivité, cris, tremblements, respiration accélérée, diarrhée, fièvre, traduisant l’état de manque.
- La clonidine, a2-stimulant présynaptique, atténue le syndrome de sevrage morphinique en inhibant la libération de catécholamines qui est augmentée en cas de dépendance.
Métabolisme
- Administration
- En cas de douleurs aiguës, la voie d’administration habituelle de la morphine est la voie parentérale à la dose de 10 mg, renouvelable.
- En cas de douleurs chroniques, la morphine peut s’administrer par voie buccale, bien que sa biodisponibilité soit faible, de l’ordre de 25%. Cette faible biodisponibilité provient d’une absorption incomplète et d’une métabolisation lors du premier passage hépatique; elle est compensée par une augmentation de la posologie.
- Demi-vie
- Biotransformation
- Elimination
- La codéine, dont la biodisponibilité après administration buccale est de l’ordre de 60%, est partiellement métabolisée en morphine, responsable de son activité pharmacologique. La codéine, seule ou associée à d’autres substances comme le paracétamol (EFFERALGAN-CODÉINE*) ou l’aspirine (COMPRALGYL*), est utilisée comme antalgique. Il existe un sirop de phosphate de codéine (CODENFAN*) destiné au traitement des douleurs chez l’enfant de plus d’un an. La codéine est également présente dans plusieurs antitussifs. La dihydrocodéine a des propriétés antalgiques voisines de celles de la codéine.
- L’hydromorphone est une substance analgésique dont la structure et l’activité sont très proches de celles de la morphine.
- L’oxycodone, dont la structure chimique correspond à celle de la codéine dans laquelle un atome d’hydrogène serait remplacé par un groupe OH, possède une activité analgésique. En France, elle est commercialisée sous forme de suppositoires.
- L’héroïne est le dérivé diacétylé de la morphine, utilisé non en thérapeutique mais par les toxicomanes car elle pénètre bien dans le cerveau où elle se transforme en morphine, responsable des effets.
- Selon quelques publications, la morphine et la codéine pourraient être des produits endogènes chez l’animal.
- L’oxycodone, dont la structure chimique correspond à celle de la codéine dans laquelle un atome d’hydrogène serait remplacé par un groupe OH, possède une activité analgésique. En France, elle est commercialisée sous forme de suppositoires.